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Chez Air France, direction et syndicats envisagent un donnant-donnant

Rédigé par adminChsct | 23 mai 2012

C'est jeudi que doit avoir lieu le comité d'entreprise (CE) d'Air France. Une réunion qui avait fait craindre un temps aux syndicats l'annonce d'un plan de restructuration qui se traduirait par la suppression de 3 000 à 5 000 postes. En réalité, pour Béatrice Lestic, secrétaire général de la CFDT Air France, sauf annonce surprise, ce qui est attendu jeudi, c'est d'abord un plan industriel. Le deuxième volet, sur la question de l'emploi, fruit d'intenses tractations entre direction et syndicat, ne devrait intervenir que fin juin-début juillet. « C'est alors que nous saurons ce que nous avons perdu comme acquis sociaux et sinon, combien doivent partir et comment, par quel biais ».

« Pour paraphraser le discours politique actuel, nous sommes d'accord sur la cure d'austérité à condition qu'il y ait de l'autre côté, des mesures de croissance ». L'inspiration, c'est le « modèle allemand » : les syndicats accepteraient des concessions sur le temps de travail par exemple, en échange de mesures destinées à relancer l'activité. « On a vécu sur le modèle Air France pendant dix ans », estime Béatrice Lestic. « Aujourd'hui, nous sommes prêts à faire des sacrifices, à condition qu'on nous fasse des propositions, un projet d'avenir pour l'entreprise. Quitte à revenir sur les concessions accordées une fois que la croissance sera revenue ». En revanche, pas question de toucher aux rémunérations. Du côté de la direction, on refuse de commenter le plan avant le CE.

Ne pas laisser les gens sur le carreau

Avec une dette qui se monte à près de six milliards d'euros, la direction d'Air France espère une économie de l'ordre de 20% de ses coûts. Le plan d'économies échelonné sur trois ans, baptisé « Transform 2015 », a déjà été annoncé, en janvier de cette année. Il prévoit le gel des salaires et des embauches, mais également une réduction des effectifs. Environ 800 personnes quittent Air France chaque année, soit 2 400 d'ici trois ans. Il resterait donc encore 2 500 personnes concernées par un plan de « départs volontaires »...

Ce type de plan, avec des primes de licenciements élevées calculées en fonction de l'ancienneté, entraîne en général le départ des employés en fin de carrière, proches de la retraite. « Moins brutal » donc, pour Béatrice Lestic qu'un plan social pur et simple qui « laisserait les gens sur le carreau ».

En cause pour les mauvais résultats des trois dernières années, de l'avis des économistes, la hausse des carburants. Le prix du pétrole est aujourd'hui stabilisé autour de 100 dollars le baril de Brent, mais il se montait à 110 dollars en début d'année et avoisinait les 120 dollars en 2009. Cette même année avait connu une baisse du trafic aérien et des réservations, et Air France avait alors orchestré un premier plan de départs volontaires, qui concernait 1 500 personnes.

L'insolente santé des low-cost

L'année 2012 aura été mortifère pour les compagnies aériennes en Europe : l'espagnole Spanair, la hongroise Malev... Mais malgré la hausse des prix du carburant, l'allemande Lufthansa « est en meilleur santé qu'Air France car elle a mieux su anticiper, et restructurer avant », selon Béatrice Lestic. Elle a quand même dû réaliser un plan d'économie de un milliard d'euros qui devrait se traduire par la suppression de 3 000 postes. Pourtant, dans une conjoncture économique déprimée, ce qui frappe, c'est l'insolente réussite économique des compagnies low-cost, qui se concentrent sur le transport de passagers et facturent au prix fort tous les services annexes. Ryanair vient ainsi d'annoncer un bénéfice annuel net record de 503 millions d'euros, en augmentation de 25% sur un an.

Pour Yan Derocles, analyste financier chez Oddo, Air France paie sa « stratégie de hub », l'accumulation de vols sur les mêmes plages horaires afin de limiter au maximum les temps de correspondances. Elle subit aussi sa dépendance aux moyens-courriers, ces vols de moins de quatre heures à destination de la France ou l'Europe, sur lesquels elle encaisse la concurrence croissante des low-cost. Pour des vols aussi courts, remarque Béatrice Lestic, « les clients préfèrent le prix au service ». Problème supplémentaire : « Les compagnies low-cost séduisent de plus en plus la clientèle affaire, pourtant chasse gardée des compagnies traditionnelles comme AirFrance-KLM », estime Gezia Damergy, maître de conférences à la Sorbonne, spécialisée dans les questions de l'économie aéronautique, « tandis que les compagnies long courrier asiatiques et du Golfe rivalisent en imagination pour offrir des vols dont le rapport qualité prix séduit aussi de plus en plus de passagers ».

« Aujourd'hui, la bataille se fait mondiale à travers une course aux alliances », estime Gezia Damergy. « Sur son propre réseau, Air France fait face à une très forte concurrence des compagnies low-cost et du rail sur ses lignes court et moyen courrier mais aussi sur son réseau long courrier par les compagnies aériennes asiatiques et du Golfe ». Il serait cependant difficile pour une compagnie comme Air France, dont le cœur de cible reste le long-courrier et le haut-de-gamme, d'adopter le modèle Ryanair pour s'en sortir. « Dans le milieu du transport aérien, il est souvent rappelé cet adage : on ne devient pas low-cost, on naît low-cost. »

Source : Libération 

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