Une secrétaire, au siège, qui chute dans l’escalier. Un ouvrier brûlé au torse et aux mains par l’explosion d’une bonbonne de gaz. Un commercial en arrêt cardiaque dans un couloir. Un conducteur de train choqué par le suicide d’un passager. Les urgences ne constituent pas le cœur de métier des services de santé au travail (SST). Pourtant, les professionnels sont régulièrement confrontés à des situations dans lesquelles leur intervention rapide et efficace est primordiale pour garantir les meilleures chances de survie ou de récupération fonctionnelle pour la victime. À condition de s’être convenablement préparés, ont soutenu les orateurs d’un atelier consacré au sujet lors du Congrès national de médecine et santé au travail, le 23 juin 2016. Connaissance mutuelle "Qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas de transformer l’entreprise en établissement sanitaire", rassure Alexis Descatha, responsable de l’unité hospitalo-universitaire de santé professionnelle de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). "Mais par la connaissance mutuelle entre urgentistes et SST, et la mise en place de protocoles communs, il est possible d’améliorer la gestion des urgences." Au Samu des Hauts-de-Seine, où Alexis Descatha intervient également, les contacts entre services remontent à plus de 30 ans. "En cas d’urgence, les médecins du travail sont les premiers interlocuteurs du Samu. Avec des habitudes de travail et un langage commun, l’intervention est forcément plus efficace", constate-t-il. "Par exemple, on peut envoyer le scan d’un électrocardiogramme au Samu pour que le service sache s’il doit envoyer une ambulance simple ou médicalisée." Principes du secourisme En entreprise, l’approche la plus pertinente découle des principes du secourisme, affirme Philippe Havette, médecin coordonnateur du groupe La Poste et président de la Société française de médecine du travail et d’urgence (SFMTU). "En secourisme, on dispose d’une minute pour analyser la situation, sécuriser la personne et donner l’alerte. Après quoi, on peut approfondir les constatations et, le cas échéant, appliquer des décisions thérapeutiques", décrit le praticien. Au sein de l’Institut de recherche et d’enseignement des soins d’urgence (Iresu), urgentistes et médecins du travail ont ainsi co-élaboré une série de protocoles basés sur les différents symptômes. “Plutôt que de conseiller à l’employeur de remplir son armoire à pharmacie de produits dangereux, mieux vaut construire un protocole d’appel permettant de donner une alerte de qualité” Philippe Havette souligne que "le patient n’arrive pas avec un diagnostic. On traite une douleur thoracique, et non pas un infarctus du myocarde !" Chaque protocole suit un plan standard, facile à mémoriser et assurant une prise en charge complète (du bilan initial aux modalités d’évacuation), sous la forme d’un algorithme décisionnel indiquant clairement les tâches et responsabilités de chaque intervenant. Le même raisonnement peut s’appliquer en l’absence de service de santé au travail en interne, estime Alexis Descatha : "Plutôt que de conseiller à l’employeur de remplir son armoire à pharmacie de produits dangereux, mieux vaut construire un protocole d’appel permettant de donner une alerte de qualité". Chaîne de l’urgence Indispensable, cette anticipation doit s’appuyer sur un travail d’équipe, insiste le médecin : "Chaque service doit pouvoir adapter le protocole à sa situation, à son organisation, au profil du personnel, à l’activité… Et tester son opérationnalité dans le cadre d’exercices réguliers." De tels exercices permettent notamment d’entretenir les compétences des sauveteurs-secouristes du travail, premier maillon de la chaîne d’urgence. "Qu’il y ait ou non un SST sur place, les secouristes arrivent souvent les premiers sur les lieux, souligne Nathalie Laroche, infirmière du travail au sein du groupe Safran. Les recyclages (1) sont donc indispensables pour garantir des réflexes adaptés." Et constituent autant d’occasions de renforcer la cohésion d’équipe. "Les médecins et les infirmiers ont tout intérêt à maîtriser le référentiel et les gestes du secourisme, affirme d’ailleurs Sylvie Rotthier, infirmière à La Poste. Pas seulement pour parler un langage commun ; en cas d’urgence, on attendra beaucoup d’eux. Et la qualité de leur intervention renforcera leur crédibilité dans les actions de prévention."
Arrêts cardiaques au travail : rares et plutôt bien pris en charge
(1) Le sauveteur-secouriste du travail doit suivre, après son diplôme initial, une formation continue obligatoire, qui a pour but de maintenir ses compétences à un niveau équivalent voir supérieur à celui de sa formation initiale. C'est ce qui s'appelle "le recyclage". Clémence Dellangnol http://www.actuel-hse.fr/ (lire l’article original) |