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France Telecom: de nombreux agents ont manipulé des appareils radioactifs sans le savoir

Rédigé par adminChsct | 3 janvier 2013

Des années durant, les agents des centraux téléphoniques de France Telecom et les lignards, ceux qui grimpent aux poteaux téléphoniques, ont manipulé sans précaution particulière de petits appareils destinés à éviter les surtensions sur les lignes, alors qu'ils étaient radioactifs. Aujourd'hui, on constate des excès de cancer parmi le personnel. L'opérateur français a minimisé le danger pour la santé des salariés, accuse le très sérieux trimestriel Santé et travail.

"L'opérateur n'a jamais vraiment pris la mesure du risque que pouvaient représenter ces petits appareils, pas plus qu'il n'en a informé ses agents, ni dispensé des consignes de protection", écrit la revue indépendante dans son numéro de janvier, où elle révèle l'étendue du scandale sous le titre "France Telecom: un risque radioactif occulté". La rédaction a confié à lexpress.fr, en exclusivité, les principaux éléments du dossier.

Semblables à de minuscules ampoules, les parasurtenseurs sont constitués d'électrodes enfermées dans une enveloppe étanche contenant un gaz et des éléments radioactifs. Les plus petits mesurent 1,5 cm. Le modèle en verre contenant du radium 226 a été interdit en 1978 à cause de sa toxicité, et remplacé par un autre contenant du tritium, également radioactif. Ces dispositifs ont été utilisés massivement entre les années 1940 et 1970, puis enlevés en grande partie au cours des années 1980 et 1990. La nouvelle génération de parasurtenseurs, elle, n'est pas radioactive. Mais il subsiste un nombre encore indéterminé d'anciens modèles sur le réseau. 
Egalement baptisés parafoudres, ces dispositifs se retrouvent partout. Dans les boîtes de raccordement sur les lignes, en haut des poteaux, mais aussi à l'arrivée, chez les particuliers. Dans les centraux téléphoniques, aussi, d'où partent les lignes d'abonnés, chacune dotée de deux parasurtenseurs. Les agents sont nombreux à avoir manipulés les anciens modèles radioactifs. Ils en stockaient dans leur voiture, en cas d'intervention, les glissaient dans la poche de poitrine de leur chemise ou même entre leurs lèvres, pour garder les mains libres. Les modèles en verre se changeaient à la pince et parfois cassaient, à cause de la corrosion.

Contaminations par inhalation
Plusieurs alertes sanitaires ont été lancées, selon Santé et travail. Au centre de construction des lignes de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), d'abord, où la CFDT PTT de Loire-Atlantique a déposé plainte contre X pour empoisonnement, suite au décès de quatre agents par cancers entre 1989 et 1995. Puis à Lyon, en 1998, par un médecin de prévention (ex-médecin du travail). Puis à Riom-ès-Montagne (Cantal), en 2006 et 2007, où le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site a fait jouer son droit à expertise. Puis à Béziers et Bédarieux, dans l'Hérault, où le CHSCT départemental a voté lui aussi une expertise en 2010.

Des contaminations ont pu se produire, soit par rayonnement, soit par inhalation, notamment en cas de fuites ou de bris des ampoules, comme le montre l'expertise réalisée en 2010 par la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), ONG reconnue qui conduit régulièrement ses propres investigations. Mais pour un salarié aujourd'hui atteint d'un cancer, la difficulté à faire le lien entre son parcours professionnel, donc son exposition potentielle à la radioactivité, et la maladie, reste entière.

"Les études de l'Inserm et de l'IRSN ont conclu qu'il n'y avait pas de danger!"
De son côté, la direction de France Telecom a commandé deux études qui insistent sur les faibles doses reçues et écartent les risques pour la santé. "Celle de l'Inserm, présentée en 2003 [...], ne retient pas l'hypothèse d'une origine professionnelle des cancers, écrit la journaliste de Santé et travail, Isabelle Mahiou. Même si elle montre qu'il existe un risque élevé de décès chez des agents de lignes pour les cancers de l'os et des cartilages, typiques des contaminations internes par le radium 226, et significatif pour des cancers de l'appareil digestif et des poumons, organes radiosensibles!" Quant au rapport publié en 2010 par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), il conclut à l'absence de risque de cancers radioinduits. La direction de France Telecom s'exprime dans le trimestriel par la voix de Jean-Marie Montel, délégué régional Auvergne: "Les études de l'Inserm et de l'IRSN ont conclu qu'il n'y avait pas de danger, il n'y avait pas de raison d'engager une démarche volontariste de retrait [des parasurtenseurs]."

Sur le site de Riom-ès-Montagne, en Auvergne, des experts mandatés par le CHSCT ont commencé à retracer les historiques d'exposition des agents atteints de cancer. Un travail de longue haleine.

Source (lexpress.fr)

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