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Interdiction de fumer : quelles sont précisément les obligations de l'employeur ?

Rédigé par adminChsct | 25 juillet 2012

Le 1er février 2007, était décrétée l’interdiction de fumer dans les lieux publics, y compris les locaux de travail.

C’est à l’employeur qu’incombe la responsabilité de mettre en œuvre la législation antitabac au sein de l’entreprise, mais aussi de veiller à la faire respecter, en usant de ses pouvoirs d’organisation et disciplinaire. Mais de quels moyens dispose-t-il pour cela et que risque-t-il en cas d’infraction ?

Où est-il interdit de fumer dans l’entreprise ?

La loi du 10 janvier 1991, dite loi Évin, a posé un principe d’interdiction de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif. Ce dispositif a été complété par un décret étendant l’interdiction à l’ensemble des locaux de travail [D. n° 2006-1386, 15 nov. 2006, JO 16 nov. ; voir aussi Circ. 24 nov. 2006, JO 5 déc.].

Sont visés :

→ les locaux fermés et couverts affectés à l’ensemble des salariés : accueil, salles de restauration, de réunion, de formation, espaces de repos, lieux de passage, toilettes, salles réservées aux loisirs, au sport, locaux sanitaires et sociaux, etc. En revanche, il reste possible de fumer dans une cour, sur un parvis ou un balcon, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un local clos et couvert ;

→ les locaux de travail proprement dits : ateliers et bureaux collectifs mais aussi les bureaux individuels. Le ministère du Travail précise ici qu’il convient de protéger des risques liés au tabagisme passif toutes les personnes qui pourraient être amenées à passer dans ces bureaux ou à les occuper, même pour un court instant (un client, un agent chargé de la maintenance, de l’entretien, etc.).

Cette interdiction est totale et absolue, aucune dérogation n’est possible.

En revanche, échappent à l’interdiction les chantiers du BTP, dès lors qu’ils ne constituent pas des lieux clos et couverts, et les domiciles privés – quand bien même un employé de maison y travaillerait [Circ. 24 nov. 2006, JO 5 déc.].
REMARQUE

L’interdiction de fumer ne s’applique pas aux voitures de fonction dès lors qu’elles sont utilisées par une seule personne.

Dans quels lieux est-il autorisé de fumer ?

Mise en place de « fumoirs »

Les entreprises peuvent organiser des emplacements spécialement appropriés. Il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation pour l’employeur. Il peut ainsi mettre en place des « fumoirs ».

Ces emplacements particuliers doivent consister en des salles closes, soumises à des normes strictes et dont l’accès est interdit aux moins de 16 ans [C. santé publ., art. R. 3511-8]. Aucune prestation de services ne peut y être délivrée, aucune tâche d’entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l’air ait été renouvelé (en l’absence de tout occupant) pendant au moins une heure. En revanche, le local pour fumeurs peut être installé à côté d’une machine à café. En outre, ces locaux réservés à l’usage des fumeurs (dont la superficie est limitée à 20 % de l’établissement, sans pouvoir dépasser 35 m2) doivent être dotés de fermetures automatiques sans possibilité d’ouverture non intentionnelle, ne pas constituer un lieu de passage et être équipés d’un dispositif d’extraction d’air par ventilation mécanique dont la conformité aux exigences légales [C. santé publ., art. R. 3511-3 et R. 3511-4] doit être attestée par l’installateur ou la personne chargée de la maintenance. Le responsable de l’établissement devra produire cette attestation à l’occasion de tout contrôle et faire procéder à l’entretien régulier du dispositif.

Un avertissement sanitaire doit être apposé à l’entrée des emplacements réservés aux fumeurs. Un modèle en est fixé par arrêté [C. santé publ., art. R. 3511-6 ; Arr. 1er déc. 2010, JO 11 déc.].

Rôle du CHSCT

Pour mettre en place les emplacements fumeurs, l’employeur doit consulter le CHSCT ou, à défaut, les délégués du personnel et le médecin du travail. Cette consultation doit être renouvelée tous les deux ans [C. santé publ., art. R. 3511-5].

Comment évaluer les risques liés au tabagisme ?

Comme tous les risques professionnels, le risque d’être exposé à la fumée du tabac doit être évalué par l’employeur [C. trav., art. L. 4121-3]. Les résultats de l’évaluation sont ensuite transcrits dans le document unique d’évaluation des risques (voir Mémo social 2012, n° 1573). Cela permet d’élaborer un plan d’action qui peut prendre deux formes :

– si l’employeur opte pour une interdiction totale du tabac dans le cadre de l’entreprise, il s’agira de mesures de prévention pour les salariés fumant à l’extérieur ;

– si l’employeur met en place des fumoirs, il s’agira de mesures pour le respect des normes, l’entretien du local, etc.

Le règlement intérieur peut également contenir des mesures de prévention.

Comment réagir face à un salarié récalcitrant ?

Le salarié qui ne respecte pas l’interdiction de fumer s’expose :

→ à une amende de 450 € lorsque l’infraction est constatée par un agent de contrôle de l’inspection du travail ou par un officier de la police judiciaire [C. santé publ., art. R. 3512-1 et R. 3512-4 ; C. trav., art. L. 8112-1] ;

→ à une sanction disciplinaire de la part de l’employeur pouvant aller jusqu’au licenciement, et ce même en l’absence de mention d’interdiction de fumer dans le règlement intérieur. La sanction disciplinaire susceptible d’être prise doit cependant respecter le principe de proportionnalité [Circ. 24 nov. 2006, JO 5 déc.]. Il est, par conséquent, conseillé d’adresser, dans un premier temps, une lettre rappelant la règle et les sanctions encourues puis, dans un second temps, une convocation à un entretien pour une éventuelle sanction. Le licenciement pour faute grave pourra être justifié si le salarié n’a pas respecté l’interdiction dictée par des impératifs de sécurité [Cass. soc., 11 juin 1998, n° 96-42.244 relatif à un local où étaient entreposés des produits inflammables ; voir aussi s’agissant d’une cartonnerie : Cass. soc., 1er juill. 2008, n° 06-46.421].

Que risque un employeur défaillant ou simplement passif ?

Sanctions pénales

L’employeur qui ne met pas en place la signalisation imposée encourt une amende de 750 €. Il risque la même sanction s’il met à la disposition des fumeurs un espace « non conforme » (voir p. 26) ou s’il favorise sciemment, par quelque moyen que ce soit, l’interdiction de fumer. Est ici visé le cas de l’employeur qui inciterait les salariés à fumer en toute illégalité, par exemple en leur donnant des encouragements oraux en ce sens ou en laissant des cendriers apparents là où il est normalement interdit de fumer [C. santé publ., art. R. 3512-2].

Prise d’acte de la rupture, résiliation judiciaire

La passivité de l’employeur peut être invoquée par le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail ou qui en demande la résiliation judiciaire devant le conseil de prud’hommes. En effet, l’employeur a, à l’égard de ses salariés, une obligation générale de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés (voir Mémo social 2012, nos 1571 et s.). Il doit notamment tout mettre en œuvre pour protéger les salariés du tabagisme passif.

Ainsi, cette obligation n’est pas satisfaite lorsque l’employeur, en présence de réclamations d’un salarié, se borne à interdire aux autres salariés de fumer en présence de ce dernier et d’apposer des panneaux d’interdiction de fumer dans le bureau à usage collectif qu’il occupait. Il en résulte en l’occurrence que l’inertie de l’employeur peut constituer un manquement susceptible d’être invoqué par le salarié pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Cette prise d’acte produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse obligeant l’employeur à verser les indemnités correspondantes [Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412]. La sanction aurait été la même si le salarié avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur.

Précisons qu’en cas de manquement de l’entreprise aux dispositions sur l’interdiction de fumer sur les lieux de travail, les juges doivent faire produire à la prise d’acte ou à la demande de résiliation judiciaire les effets d’un licenciement, sans que l’employeur, qui a manqué à son obligation de sécurité de résultat en matière de préservation de la santé des salariés, ne puisse invoquer l’absence de conséquences directes et immédiatement décelables sur la santé [Cass. soc., 6 oct. 2010, n° 09-65.103]. Dans cette affaire, les analyses révélaient un taux de nicotine relativement faible dans l’organisme du salarié plaignant. Pour autant, la seule chose que la Cour de cassation retient est que l’employeur n’a pas respecté les dispositions du Code de la santé publique sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics concernant les salariés. À noter que la cour d’appel de Paris, désignée comme juridiction de renvoi dans cette affaire, a confirmé cette solution et accordé au salarié – dont l’ancienneté était inférieure à deux ans – 10 000 € de dommages et intérêts [CA Paris, pôle 6, ch. 4, 6 mars 2012, n° 10/09856].

Exercice du droit de retrait

Le salarié peut exercer son droit de retrait en cas d’exposition au tabagisme passif (sur le droit de retrait, voir Mémo social 2012, n° 1606). La cour d’appel de Rennes l’a admis à propos d’un serveur travaillant dans un bar enfumé. Les juges ont considéré que le salarié avait « un motif raisonnable » de penser que la situation présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé [CA Rennes, 16 mars 2004, n° 03/279].

Reconnaissance d’une faute inexcusable

Un salarié peut également obtenir la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie en prouvant que celle-ci est liée au tabagisme passif et faire en outre valoir la faute inexcusable de l’employeur (voir Mémo social 2012, n° 2043). En vertu du contrat de travail, l’employeur a, on l’a vu, une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés. La responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle peut donc être engagée sans qu’il soit besoin pour la victime d’apporter la preuve d’une faute d’une exceptionnelle gravité de l’employeur ou que sa faute a été la cause déterminante de l’accident. La simple constatation du manquement à l’obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l’employeur. Mais encore faut-il que la victime apporte la preuve de l’existence de deux éléments : le fait que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et l’absence de mesures de prévention et de protection.

Signalisation spécifique

Dans les lieux de travail où il est interdit de fumer, une signalisation apparente doit rappeler le principe de cette interdiction. Un modèle de signalisation est déterminé par arrêté [C. santé publ., art. R. 3511-6 ; Arr. 1er déc. 2010, JO 11 déc.]. Il est téléchargeable sur http://www.tabac.gouv.fr/rubrique-65314.php/.

Pauses pour les salariés fumeurs

L’employeur n’a pas l’obligation d’instaurer des pauses spéciales en faveur des fumeurs. La loi n’impose aucun aménagement du temps de travail pour le salarié fumeur. En outre, il convient ici de veiller à ne pas créer de discrimination envers les non-fumeurs.

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