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La Dares souligne le rôle important des conditions de travail dans les absences au travail

Rédigé par adminChsct | 16 avril 2013

L’absentéisme est souvent perçu comme un comportement opportuniste du salarié. Or une publication récente de la DARES soutient que les variations du taux absentéisme relèvent pour beaucoup des différentes contraintes physiques et/ou mentales auxquelles les salariés peuvent être exposés.

Les enquêtes statistiques exhaustives sur l’absentéisme sont rares. L'étude "Les absences au travail des salariés pour raisons de santé : un rôle important des conditions de travail" publiée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) contribue à combler ce manque.

Ses auteurs dressent un panorama de l'absentéisme professionnel au regard de différents facteurs, tels que la nature du contrat de travail, l'âge et le sexe, la catégorie socioprofessionnelle ou le secteur d'activité. En soulignant que l'exposition aux contraintes physiques et psychosociales est un facteur détérminant.

Les caractéristiques des absences au travail des salariés sur la période 2003-2011

L’analyse de la Dares repose sur l’exploitation des données déclaratives de l’enquête Emploi en continu de l’Insee. Le champ des questions sur l’absentéisme recouvre "les absences pour congés maladie, les accidents de travail, les maladies professionnelles et les congés pour enfant malade". Dans une semaine de référence, des questions ont été posées aux sondés pour savoir s’ils se sont absentés et pour quelles raisons. L’exploitation de ces données, entre 2003 et 2011, permettent de disposer de "plus d’un million de réponses cumulées".

Un taux d’absentéisme remarquablement stable dans le temps...

Le premier résultat significatif de cette enquête concerne l’évolution du taux d’absentéisme pendant cette période. Au cours du temps, celui-ci, à partir de ces données est remarquablement stable et oscille entre 3,4% et 3,8%[1]. Il est intéressant de mettre en regard cette tendance avec les nombreux éléments qui ont marqués le monde du travail pendant cette décennie.

Il y a d’abord des phénomènes structurels comme l’arrivée vers l’âge de la retraite des générations nées après-guerres, les plus nombreuses. On assiste en France à un vieillissement relatif de la main-d’œuvre. L’environnement institutionnel a également évolué : report de l’âge de la retraite avec un rallongement potentiel des carrières. Le chômage a connu des évolutions contrastées : baisse relative dans un premier temps, hausse importante depuis la crise financière et économique de 2007-2008.

Sans qu'il soit possible d’en tirer des explications tranchées, force est de constater que le taux d’absentéisme semble avoir été imperméable à la conjoncture. Des phénomènes contradictoires peuvent exercer leur influence dans des sens opposés.

...mais qui connaît des des variations selon les caractéristiques des populations au travail

Variations selon l'âge et le genre

En effet, l’absentéisme varie selon l’âge. L'étude de la Dares indique que les jeunes salariés s’absentent moins (2,9% pour les 20-24 ans) que leurs aînés (5,4% pour les 55-59 ans). La Dares constate aussi que les femmes sont plus absentes que les hommes et que c’est entre 25 et 34 ans que l’écart est le plus prononcé. Les auteurs de l'étude évoquent l'incidence de la charge de famille (s’occuper des enfants semblant encore être l’apanage des femmes). Mais l’enquête n'approfondi pas le sujet des différences d'exposition aux risques entre les femmes et les hommes. Les travaux de l'Anact sur ce sujet montrent que ces conditions de travail différentes créent des inégalités entre femmes et hommes, qui peuvent expliquer les écarts constatés en matière de taux d’absentéisme.

Variations selon le statut d'emploi

L’absentéisme est également fonction du statut d’emploi. L'étude Dares indique que les salariés en contrat à durée indeterminée (CDI) et les titulaires de la fonction publique connaissent le taux d’absentéisme le plus élevé (3,7 pour les CDI et 3,9% pour la fonction publique). L’absentéisme ne serait donc pas plus élevé pour la fonction publique que pour les salariés en CDI du privé. En revanche, les salariés précaires – intérimaires et titulaires de contrat à durée déterminée (CDD) – connaîtraient des taux d’absentéisme moins élevés (de l’ordre de 2,6%). Pourquoi ? L’étude insiste sur les phénomènes de sélection : seul ceux qui sont en meilleure santé feraient « carrière » dans l’intérim et la précarité (les conditions de travail sont plus dures pour ces populations et ces dernières peuvent moins se défendre contre certaines agressions).

L’absentéisme est en fait une mesure partielle et incomplète de l’état de santé. C’est une traduction sociale et institutionnelle, une compensation assurantielle contre les risques du travail et la maladie. Les salariés précaires ne peuvent pas bénéficier des mêmes dispositifs que les salariés à statut (paiement des jours de carences, compensation intégrale du revenu pendant une certaine période, recours aux mutuelles et aux revenus de substitution, etc.). En tout état de cause, l'étude montre qu'il serait nécessaire d’analyser plus finement la relation entre l’état de santé des précaires et le recours ou non par ceux-ci à l’absentéisme.

Variations selon la catégorie socio-professionnelle et secteur d'activité
L’étude semble montrer que l'absentéisme serait l’apanage des ouvriers : ceux-ci s’absenteraient trois fois plus que les cadres (4,5% en moyenne contre 1,6%). Les employés et les professions intermédiaires occuperaient une position « médiane » par rapport à ces catégories. En cause ici, les conditions d’exercice du travail : plus d'expositions aux risques pour les ouvriers (y compris risques physiques), mais aussi une moins grande autonomie. Certains secteurs économiques semblent connaître plus d’absences que la moyenne : l’hébergement-restauration (3,9%), le BTP (4%) et le secteur de la santé (4,6%).

Les enseignements de l'étude Dares sur le lien entre absentéisme et conditions de travail

Concernant le comportement du salarié, l'étude de la Dares précise le lien entre l'absentéisme et les conditions de travail. ’absentéisme est souvent perçu comme un comportement opportuniste du salarié. Cette étude de la Dares soutient au contraire l'idée que les variations du taux d'absentéisme relèvent plus de la nature des expositions des salariés à différentes contraintes physiques et/ou mentales.

L'étude souligne que lorsque ces contraintes s’accroissent ou se combinent, le taux d’absentéisme des salariés augmente fortement. Exemple : un salarié exposé à une seule contrainte physique (poussières, produits dangereux, port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations ou bruits, etc.) voit son taux d’absentéisme atteindre 2,5% alors qu’avec trois contraintes ou plus ce taux atteint 5,5%.

Cette incidence des conditions de travail sur l'absentéisme serait encore plus marquée pour les contraintes psychosociales (l’obligation de "se dépêcher", le risque d’agression physique ou verbale, etc.). Les auteurs indiquent que les salariés qui ne sont exposés qu’à une seule contrainte ont un taux d’absentéisme de 2,5%, alors que ceux subissant trois contraintes ou plus connaissent un taux qui atteint 7,5%.

Les travaux de l'Anact, nourris d'accompagnements d'entreprises de tailles et de secteurs variés, montrent que les variations du taux d’absentéisme sont ainsi nettement corrélées à l’environnement de travail et à ce que vivent les salariés. L’enquête Dares est intéressante car elle soutient le propos que le travail constitue la matrice structurelle de l’absentéisme.

Passé l'écueil qui fait reposer l’absentéisme sur un comportement abstrait du salarié, la voie s'ouvre alors pour s'engager dans des démarches de réduction durables de l'absentéisme. Ce qui consiste à engager un dialogue dans les milieux de travail et les entreprises sur ce qui concrètement provoque l’absentéisme. Avec comme perspective d'améliorer la situation en mettant l'amélioration des conditions au cœur des démarches engagées.

 

[1] Les données de la CNAMTS, pour la même période, montrent plutôt une augmentation du nombre de jours indemnisés (et donc des déclarations maladie des salariés) et de leurs coûts.

Source (anact.fr)

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