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La santé au travail, de Ramsès III au XXIe siècle

Rédigé par adminChsct | 23 octobre 2012

Les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont trente ans. La loi du 23 décembre 1982 a créé une instance représentative du personnel dont la mission est de contribuer à la prévention et à l'amélioration des conditions de travail, grâce aux discussions au sein de l'entreprise sur les conséquences du travail sur la santé.

Après des années de débats sur les contraintes physiques (bruit, port de charges, poussières...), les nouveaux risques psychosociaux émergés des organisations multifactorielles s'imposent peu à peu comme une question prioritaire. Cette évolution est consacrée par l'inscription en 2010 dans le code du travail de la notion de "pénibilité au travail", entendue comme "une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé" qu'il convient de prévenir.
La question du rapport de l'entreprise avec la santé au travail est certainement aussi vieille que le travail pour le compte d'autrui. Les gravures de la tombe, à Thèbes (aujourd'hui Louxor), d'Ipuy, l'architecte de Ramsès III (1198-1166 av J.-C.) en témoignent. Elles reproduisent, notamment, la scène d'un ouvrier ayant une écharde dans l'oeil qu'un médecin retire avec une plume ou un objet effilé, mais aussi celle d'un tailleur de pierre tombé de l'échafaud à qui un rebouteux remet l'épaule en place.

Hippocrate (460-370 av J ;C.) avait remarqué que l'asthme était plus fréquent dans certaines professions, les tailleurs, les pêcheurs et les métallurgistes, entre autres. Pline l'Ancien mentionnait déjà les dangers de l'amiante chez les esclaves romains au premier siècle de notre ère. La question ne semblait toutefois pas dépasser un cercle d'érudits.

TRAVAIL SALARIÉ DE MASSE

Traduction de la liberté sans limite du travail, le "contrat de louage d'ouvrage" du code Napoléon de 1804 ne connaît pas d'obligation patronale d'assurer la santé de l'ouvrier. Il faut attendre l'avènement du travail salarié de masse pour voir se développer des règles étatiques de protection.

A ce titre, la première atteinte à la liberté des employeurs de décider des conditions de travail date de 1841 : la loi du 22 mars fixe l'âge d'admission dans les entreprises de plus de vingt ouvriers à 8 ans et limite le temps de travail des enfants. Ces règles font suite à une campagne de pétitions et à plusieurs enquêtes dont le fameux "Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie" du docteur Louis René Villermé (1782-1863), qui trouvent un écho favorable auprès de certains employeurs.

La logique législative de prévention est soustractive : les plus faibles, les plus vulnérables sont retirés de la situation de travail dans laquelle on maintient les autres.

Il était d'ailleurs temps ! Comme l'a souligné Charles Dupin, rapporteur de la loi de 1841, "sur 10 000 travailleurs passant en 1840 devant le conseil de révision des 10 départements les plus manufacturiers de France, 8 990 sont réformés pour rachitisme, invalidité, difformité."

LE MOUVEMENT EST LANCÉ

Les plus grandes entreprises doivent se plier à la considération supérieure d'un recrutement de soldats en bonne santé. Notons qu'un mécanisme de sanctions peu efficace va conduire à ce que cette première loi reste largement lettre morte ! Mais le mouvement est lancé : le législateur va multiplier les situations d'interdiction du travail et de limitation de celui-ci au nom de la santé des enfants et des femmes.

Les explosions dues au grisou ont massivement tué, notamment à Montceau-les-Mines en 1867, à Saint-Etienne en 1871, 1876, 1887, ou à Liévin en 1885. En réponse, la loi du 8 juillet 1890 introduit les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs. Ceux-ci remettent en cause la toute-puissance de l'employeur, dont les décisions deviennent légalement discutables.

Mais, ces délégués ont souvent un statut ambigu : trop zélés, ils sont licenciés ; trop peu regardants sur les conditions de travail, ils sont haïs par les mineurs. Malgré tout, le modèle minier va faire tache d'huile pendant l'entre-deux-guerres : dans les chemins de fer, l'aviation marchande, la marine de commerce et la sidérurgie de Meurthe-et-Moselle. La catastrophe de Courrières (Pas-de-Calais) en 1906 (plus de 1 000 morts), précédera le vote d'un repos obligatoire hebdomadaire de 24 heures quelques mois plus tard.

En 1936, l'activité des représentants du personnel qui devaient être des points d'appui à l'action des inspecteurs du travail est généralisée, avec l'instauration des délégués du personnel mais surtout par le décret du 15 août 1941 instituant des comités chargés de contrôler la sécurité. Toutefois, pour atténuer l'hostilité des employeurs, le régime de Vichy faisait désigner des membres dudit comité par les préfets à partir de listes préétablies de personnes extérieures à l'entreprise.
En 1945, les comités d'entreprise élus par le personnel vont reprendre cette tâche, dont l'importance sera soulignée en 1947 par l'obligation de créer en leur sein une commission spécialisée : le comité d'hygiène et de sécurité (CHS), qui deviendra le CHSCT en 1982.

Mais de multiples autres acteurs ont également oeuvré au fil des années pour renforcer le contrôle de la santé des travailleurs. Ainsi, en 1867, la Société industrielle de Mulhouse a créé une association "pour prévenir les accidents de fabrique", imitée par d'autres groupements patronaux tout au long du XIXe siècle.

En 1892, l'Etat crée le corps des inspecteurs du travail, recrutés sur concours. Ces fonctionnaires, qui peuvent pénétrer dans l'entreprise, sont chargés de faire appliquer, entre autres, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, portant sur "l'éclairage, l'aération ou la ventilation, les eaux potables, les fosses d'aisance, l'évacuation des poussières et vapeurs, les précautions à prendre contre les incendies, etc."

GRANDE LOI DU 9 AVRIL 1898

La généralisation, en 1905, de la grande loi du 9 avril 1898 sur la réparation des accidents du travail, qui avait instauré une responsabilité automatique de l'employeur en cas de survenance d'un dommage corporel au temps et au lieu de travail, a conduit les compagnies d'assurance, qui se substituaient alors à l'employeur pour l'indemnisation des victimes, à rechercher une meilleure maîtrise de leurs dépenses.

Pour ce faire, elles créeront une sorte de bureau de prévention, dont le rôle sera de préconiser des moyens et techniques permettant de limiter et de prévenir les risques d'accidents. Ces fonctions seront reprises en 1946 par les services de prévention des caisses de Sécurité sociale.

La médecine du travail n'est instituée en France qu'en 1916, grâce, si l'on peut dire, aux usines d'armement : le médecin, installé temporairement dans chaque établissement, travaille en liaison étroite avec les techniciens ; il entreprend des études parallèles du personnel, du matériel et de l'hygiène des ateliers.

Après la guerre de 1914-1918, l'importance du rôle du médecin dans l'industrie croît : la main-d'oeuvre, devenue rare, doit être utilisée de la meilleure façon possible. Il devient indispensable de créer une science de la physiologie du travail mais aussi de la pathologie professionnelle : en 1930, est créé à cette fin, à Lyon, le premier institut universitaire de médecine du travail.

La médecine préventive et de conseil des salariés, de leurs représentants et de l'entreprise est née.

Source (lemonde.fr)

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