C’est cette seconde vision qui a prévalu quand le président Chirac a obtenu du Congrès en 2005 que ce principe figure dans la charte de l’Environnement désormais intégrée dans la Constitution. Comme directeur général de la santé à l’époque, j’avais apporté mon soutien à ce texte. Force est de constater que huit ans après, ce geste fort n’a ni contribué à réduire la fréquence des crises de sécurité sanitaire, ni à rétablir la confiance des citoyens dans les institutions chargées de protéger leur santé.
Si beaucoup d’opinions s’affrontent à ce sujet, peu d’études scientifiques ont été conduites pour évaluer l’impact d’une attitude de précaution sur la manière dont les risques sont perçus dans la population. C’est dire l’importance d’une grande étude internationale qui vient d’être publiée dans une revue américaine de bon niveau, Risk Analysis, par des chercheurs de neuf pays. La France n’est pas représentée dans ce consortium. Pour les lecteurs qui ont accès à une base de données bibliographique, la référence de l’article est DOI : 10.1111/risa.12034.
Ce travail s’est intéressé aux risques possibles des radiofréquences des téléphones portables et des stations relais. Il a été financé par des fabricants de téléphones portables. Son objectif principal était de mesurer l’impact sur la perception des risques d’une information sur les risques possibles des ondes électromagnétiques. Plusieurs types d’information ont été testés sur un échantillon d’environ 400 personnes dans chaque pays.
Les résultats sont très différents d’un pays à l’autre. Dans les pays anglo-saxons, fournir une information sur les risques possibles des radiofréquences produit une augmentation de l’inquiétude dans la population. Cet effet n’est pas très fort et ne se retrouve pas dans les pays du sud comme l’Inde ou le Brésil. La conclusion des auteurs est que « les autorités de santé publique ne devraient pas s’attendre à ce que des mesures de précaution suffisent à elles seules à renforcer la confiance dans la gestion des risques et réduisent ainsi la perception du risque. Si l’intention est de rassurer le public, la seule information au sujet des mesures de précaution conduira probablement à un échec ».
Ainsi, l’opinion qu’il faudrait mieux informer la population pour qu’elle craigne moins les risques des radiofréquences n’est pas confortée par ces résultats. C’est le principal intérêt de ce travail, l’autre étant de montrer que ce genre de problèmes ne relève pas de lois générales et dépend beaucoup des contextes nationaux (et vraisemblablement locaux). Fournir de l’information sur les effets sanitaires possibles, les hypothèses plausibles, les doutes existants (voir à ce sujet l’article du Monde daté du 5 avril 2013 : http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1228857&xtmc=ondes_electromagnetiques&xtcr=1) est assurément une nécessité tout comme la poursuite des recherches menées dans des conditions éthiques irréprochables.
Mais pour concilier le développement des technologies industrielles et la protection de la santé, d’autres outils sont nécessaires, tout particulièrement des débats publics loyalement organisés et des procédures de concertation transparente. C’est d’une véritable politique de sécurité sanitaire dont nous avons besoin. Elle ne saurait se réduire à de seules actions de communication.
Source (securitesanitaire.blog.lemonde.fr)
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