À sa prise de poste le 24 octobre dernier, Mohamed Yaqoubi, facteur contractuel à La Poste depuis dix-huit ans, est attendu par dix cadres, un huissier de justice et deux gendarmes pour se faire remettre sa lettre de licenciement. Le motif ? « Il a été licencié pour insubordinations, pour ne pas avoir respecté les consignes écrites de sa hiérarchie ce qui a dégradé la qualité de service », se défend Claude Calmès, directeur du groupement postal dans l’Hérault. « Ce jour-là, j’ai été humilié ! », s’indigne l’intéressé qui avoue « aimer viscéralement ce métier. » Guillaume Griveau, représentant CGT au CHSCT du groupe, analyse cette sanction différemment : « Les causes officielles de son licenciement sont le non respect du bulletin d’itinéraire et les heures supplémentaires dont la direction considère qu’il n’a pas à en faire. Il est surtout licencié parce qu’il a réactivé une démarche collective en organisant deux grèves. » Effectivement, Mohamed, le service public chevillé au corps, a une haute idée de son métier. « Il fait son travail comme tout employé devrait le faire. Et il le fait avec coeur ! », explique Claude, une habitante de Lavérune faisant partie du collectif d’usagés de La Poste. « C’est le facteur tel qu’on l’a connu qui fait du lien social. La Poste veut maintenant des facteurs interchangeables alors que c’est un vrai métier ! ».
Pas un cas unique
Dépendant du centre postal de Saint-Jean-de-Védas, Mohamed explique : « le coup fatal, c’est la dernière réorganisation il y a un an. Ils nous ont grignoté petit à petit. Ça représente quatre villages et onze tournées quand je suis arrivé. Il n’y en a plus que quatre et demi alors que la population a explosé. » Des facteurs en moins et du travail en plus au vue de la démographie galopante de l’Hérault : l’équation fatale qui crée du mal-être au travail. « Ça a été insupportable à vivre », poursuit Mohamed. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose alors j’ai fait des tracts, mis en place des pétitions et suis devenu représentant du personnel par la force des choses. » Et le problème est général dans l’entreprise comme le confirme Bruno Gagne, secrétaire du syndicat CGT La Poste 34 : « cela fait plus d’un an qu’à La Poste Haut courrier (distribution) il y a des luttes régulières dans l’Hérault à cause d’une surcharge d’activité suite aux nombreuses suppressions d’emplois. La commission Kaspar dans le cadre du Grand dialogue a affirmé qu’il y a un malaise à La Poste et une souffrance au travail. La commission a préconisé la création de 4500 emplois. Ce que nous dénonçons donc depuis le début était bien une réalité. » Et malheur à ceux qui pointe du doigt cette réorganisation. Bruno continue : « Mohamed n’est pas un cas isolé. Beaucoup de syndicalistes sont pénalisés et sanctionnés à tort. » Mais « Momo » comme l’appellent ses usagés reste combatif : « Depuis un an nous sommes dans un combat pour faire valoir nos droits alors qu’ils veulent nous ramener au Moyen-Âge. À plusieurs reprises on leur a fait mal. Mais même s’ils nous donnent des coups on reste debout ! ».
De son côté, Claude Calmès assure qu’il y a une baisse de 6% du trafic au national. « Nous avons modernisé le traitement du courrier. L’activité des facteurs a été impactée avec moins de tri de courrier au casier. On demande aux salariés de respecter des process. » Et d’annoncer : « il a été décidé la mise en place de la méthode de conduite du changement avec plus de dialogue social. » À aucun moment il ne parle de service public.
Après une conciliation au tribunal des prud’hommes qui a échoué, Mohamed attend l’audience fixée au 18 septembre prochain : « J’ai déjà condamné La Poste suite à une mise à pied. Et j’ai des usagés magnifiques qui sont derrière moi, tous les jours j’ai des appels de soutien. »
Source (frituremag.info)
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