D'après nos calculs, les conseillers Pôle emploi (1) de la région (Nord-Pas de Calais) ont, en moyenne, un portefeuille de 180 chômeurs à suivre chaque mois. Ce qui, en additionnant les autres tâches qui leur sont affectées, relève de la mission impossible. Du coup, certains agents craquent. Témoignages.
Jeudi matin, agence Pôle emploi de Lomme. Une dizaine de personnes patientent dans la salle d'attente. À l'accueil, deux conseillères orientent les nouveaux arrivants. Selon notre mode de calcul, les conseillers lommois doivent, en moyenne, gérer un portefeuille de 147 demandeurs d'emploi (contre 180 dans la région). Pour le directeur Guillaume Sagot qui suit le même mode de calcul que toutes les agences Pôle emploi de France (notre édition d'hier), la moyenne serait « plutôt à 115-120 ».
Quoi qu'il en soit, le directeur ne minimise pas la charge de travail de ses conseillers. Bien au contraire : « Il n'y a pas que le suivi mensuel. L'activité avec les entreprises est aussi très importante. Mais notre priorité, c'est de payer les gens et de les inscrire. »
« Par téléphone ou par mail »
Patrice Leprêtre est conseiller depuis dix ans : « J'ai un portefeuille d'environ 150 chômeurs mais je suis déjà monté jusqu'à 180.
Les entretiens sont ajustés aux demandeurs d'emploi. Il y a des gens qui n'ont pas besoin d'un entretien par mois et qu'on peut contacter par téléphone ou par mail. » Et l'agent d'assurer qu'il parvient à rencontrer « tous les gens qui en ont le plus besoin ».
Malheureusement, la situation ne semble pas aussi simple pour tous les conseillers Pôle emploi de la région. Appelons-le Nicolas. Pas en grande forme, le Nicolas. Il semble même avoir les nerfs en pelote. Prêt à craquer. Objectivement, il y a de quoi. Son portefeuille est copieusement rempli. Portefeuille de demandeurs d'emploi s'entend. Plus de 300 chômeurs qu'il est censé suivre chaque mois.
« Le matin à 8 h 30 quand on arrive pour l'ouverture, il y a déjà une soixantaine de personnes devant la porte de l'agence. Ça génère beaucoup d'agressivité. Hier encore, une collègue est partie en pleurant, elle venait de se faire insulter. » Thierry (prénom d'emprunt) est rentré à l'ANPE en 1988. Lui est un peu plus « chanceux » que Nicolas. Son portefeuille est un tantinet moins épais que celui de son collègue. On passe tout de même allégrement la barre des 200 demandeurs d'emploi, plus de trois fois l'idéal des 60 chômeurs fixé en 2006 quand le suivi mensuel personnalisé a été institué.
« Désorganisation »
Autant dire que Thierry ne parvient pas à rencontrer les 200 chômeurs qu'il est censé voir : « Mathématiquement, si je devais voir les 200, je ne devrais faire que ça toute la semaine. Ce que peu de gens savent, c'est que je ne travaille pas à 100 % sur la réception des demandeurs d'emploi. On fait de l'accueil, de l'inscription, je travaille aussi sur les entreprises. » Du coup, une certaine usure commence à se faire nettement sentir. Il témoigne : « Très honnêtement, après plus de vingt ans à Pôle emploi, je commence à m'essouffler. J'aime le métier que je fais, j'aime de moins en moins la désorganisation dans laquelle je suis tenu de l'exercer. On manque de moyens humains, d'outils performants. »
« Surmenage »
Dans l'agence de Thierry, les vexations, les remarques désobligeantes sont monnaie courante : « Les gens nous demandent à quoi on sert concrètement. Certains sortent des phrases du style : "Vous me demandez de venir et vous n'avez rien à proposer." Ce n'est pas facile à accepter. » Nicolas revient à la charge : « Le poste de conseiller n'existe plus. C'est de l'abattage, du chiffre. Je suis au bord de la dépression, je n'en peux plus. C'est du surmenage. Il y a un public de plus en plus agressif. Je ne compte pas mes heures mais j'ai l'impression de colmater des brèches.
Il est très compliqué, le quotidien du conseiller. »
1. Pôle emploi : organisme né de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC.
source: lavoixdunord
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