Dans la nuit du dimanche au lundi 22 avril, un mécanicien de Renault, employé de l’usine de Cléon, près de Rouen, s’est suicidé sur son lieu de travail. Le salarié, âgé de 35 ans, a laissé deux lettres pour expliquer son geste. L’une à sa famille, la seconde à son employeur. Dans cette dernière que l’ouvrier avait déposé dans l’atelier de travail où il s’est pendu, il dénonçait « pressions » et « chantages » de la part du groupe. Le salarié, qui travaillait de nuit, faisait notamment état de menaces de rétrogradation au regard de sa participation aux grèves engagées dans l’usine en réaction au projet d’accord de compétitivité-emploi. Des menaces démenties par la direction de l’usine de Cléon.
« Ce salarié était très apprécié de sa hiérarchie et reconnu professionnellement. Il avait effectivement exprimé sa crainte de réintégrer l’équipe de jour, mais sa direction l’avait conforté sur le fait qu’il serait maintenu en équipe de nuit, comme il le souhaitait. C’est l’incompréhension totale, nous ne saisissons pas la motivation de cette lettre. Une cellule psychologique a été mise en place pour l’ensemble des salariés et une assistance sociale de Renault est en contact avec la famille. Nous essayons de comprendre », explique Claire Jamet, responsable de la communication à Renault Cléon.
« Des antécédents dans le groupe »
Des salariés de Renault-Cléon ont décidé d’organiser des arrêts de travail, jeudi 25 avril, à 22 heures, puis vendredi 26 avril, à 10 heures et 14 heures. Et, après ce drame, à l’usine de Sandouville, près du Havre, la nouvelle laisse place à l’amertume.
« À Flins, d’où je reviens, deux salariés ont eux aussi été rétrogradés pour avoir participé à ces grèves. Ce qui se passe à Cléon, se joue ailleurs aussi dans le groupe Renault », dénonce d’emblée Nicolas Guermonprez, le délégué syndical CGT de Renault Sandouville.
Et de rappeler les événements survenus en 2006 et 2007 au Technocentre de Guyancourt (Yvelines) où trois salariés s’étaient suicidés sur leur lieu de travail. Pour deux de ces cas, le groupe Renault avait été condamné pour « faute inexcusable », la justice estimant que Renault n’avait pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses employés.
Et si, en réaction, la direction a mis en place un « programme de détection et d’accompagnement des personnes en difficulté », la CGT juge le dispositif trop peu efficace, « pour effacer le mal-être au travail des salariés du Technocentre, encore aujourd’hui ».
Une expertise sur la souffrance au travail s’impose
Le drame de Renault Cléon réveille en tout cas à Sandouville la question de la souffrance au travail. Nicolas Guermonprez rappelle qu’en 2009, à la faveur d’un CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de l’usine de Seine-Maritime, avait été demandé une expertise pour évaluer les risques psycho-sociaux dans le contexte des mutations arbitraires.
« Mais la direction a toujours refusé de signer la convention autorisant cette expertise. Elle a même attaqué à deux reprises le CHSCT au tribunal, mais, à chaque fois, elle a été déboutée. Pour autant, elle continue de freiner des quatre fers. Ce qui montre bien son refus à vouloir changer de politique de management et à mettre en place des méthodes adaptées pour faire en sorte que les salariés aillent mieux au travail », estime Nicolas Guermonprez.
L’accord de compétitivité maintenant passé, et bien que la clause de mobilité obligatoire en ait été enlevée, le syndicaliste reste persuadé que sans amélioration des méthodes de management, « la souffrance au travail dans le groupe Renault reste d’actualité ».
« Il faut agir sur les causes de cette souffrance, pas sur les conséquences. Il ne suffit pas de la présence d’une psychologue pour s’en tirer. Les experts doivent pouvoir rentrer chez nous pour apporter de vraies solutions », répète-t-il.
Source (76actu.fr)
Espace CHSCT, plateforme N°1 d'information CHSCT, édité par son partenaire Travail & Facteur Humain, cabinet spécialisé en expertise CHSCT et formation CHSCT