Le traditionnel contrat à durée indéterminée, à temps plein, pour un employeur, exercé dans les locaux de l'entreprise et selon un horaire établi, a-t-il vécu? "Le vieux modèle du CDI à vie qui implique la soumission à l'entreprise est en train de s'éroder, constate Philippe Achalme, DRH distribution Europe de l'assureur Aviva, même si le besoin de protection reste encore ancré dans les esprits."
Certes, "le CDI est encore la norme aujourd'hui", rappelle Chantal Prina. La chargée de mission à l'Agence Rhône-Alpes pour la valorisation de l'innovation sociale ajoute: "Les formes 'atypiques' d'emploi représentent 75% des embauches, mais ne concernent encore que 25% de l'ensemble des postes." Mais la tendance se dessine.
"Ces formes de travail touchent de plus en plus de personnes et de catégories sociales." Les premiers concernés sont en majorité des femmes, des jeunes et les moins qualifiés abonnés aux CDD, à l'intérim et au temps partiel subi.
Le management de transition permet aux entreprises de s'attacher une personne disposant d'une compétence pointue immédiatement opérationnelle pour une durée limitée, en CDD ou en freelance. Nombre de quinquas valorisent ainsi leur expérience. Une planche de salut pour des cadres seniors contraints de faire une croix sur un CDI, ou simplement désireux de changer de style de vie.
Portage salarial et groupement d'employeur
Autre formule: le portage salarial, qui concilie l'indépendance du statut de consultant avec la sécurité du salariat. Les groupements d'employeurs ont le vent en poupe: ils permettent de créer des emplois à temps plein à partir de besoins à temps partiel de plusieurs entreprises. "Mais, attention, il s'agit pour l'heure de très petits volumes", avertit Chantal Prina. Et de citer une variante récente des groupements d'employeurs: les groupements de coopération sanitaire (GCS), via lesquels des établissements de santé privés et publics se regroupent et se prêtent du personnel.
Une nouvelle forme de travail émerge que l'on pourrait qualifier d'"open". "La personne n'a pas de contrat avec une entreprise, mais participe à ses activités", explique Raphaële Gauducheau, directrice générale région France-Europe Méditerranée de Right Management, conseil en management des talents et des carrières. Ainsi, des passionnés d'informatique contribuent de manière bénévole à la création d'un nouveau logiciel ou à la résolution d'un problème particulier. Cela se pratique chez Apple ou Google.
C'est le cas aussi dans l'industrie pharmaceutique, où la recherche et développement implique de lourds investissements. Des partenariats "open" sont accessibles à des communautés de chercheurs. L'entreprise ouvre ainsi le plus largement possible le champ de ses ressources. Et des individus ou des équipes talentueux peuvent se faire remarquer, voire décrocher un contrat si la coopération aboutit.
Tous autoentrepreneurs potentiels
"Nous passons de la notion d'emploi (salaire, statut, protection sociale...) à celle de travail, notion qui met l'accent sur le sens", estime Philippe Durance, enseignant-chercheur au Cnam. Pour ce prospectiviste, un profond mouvement de société est à l'oeuvre. Il voit d'ailleurs dans le développement du statut d'autoentrepreneur "le symptôme d'un besoin d'accomplir autre chose". La France compte actuellement quelque 900 000 autoentrepreneurs.
Selon l'Insee, au premier trimestre de 2013, 75 484 demandes de création d'autoentreprises ont été déposées, soit un peu plus de la moitié des créations. "L'explosion des technologies de l'information et de la communication (TIC) va permettre à chacun de devenir un autoentrepreneur potentiel. Ce statut ne sera pas forcément pérenne ni exclusif, mais il pourra être adopté de manière régulière", abonde Sandra Enlart, directrice générale d'Entreprise & Personnel, association qui regroupe plus de 110 grandes entreprises, et auteur, avec Olivier Charbonnier, de l'ouvrage A quoi ressemblera le travail demain? (Dunod).
Pour Philippe Durance, le succès des coopératives auprès des cadres quinquas s'explique par la recherche de sens et d'engagement. "Les gens veulent être indépendants et autonomes, mais pas tout seuls." Les nouvelles générations refusent les structures très hiérarchisées. Ces jeunes -que le groupe d'audit et de conseil Mazars, par exemple, connaît bien puisque la moyenne d'âge de ses collaborateurs est de 28 ans- ne sont pas prêts à vivre dans des structures rigides.
"Ils veulent de l'autonomie, de la fluidité", estime Laurent Choain, DRH de Mazars et président du Cercle de la prospective RH. Le mot d'ordre de la génération Y n'est-il pas: fun, learn, feedback? Du salariat, oui, mais moins "subordonné".
Vendre son réseau plutôt que son diplôme
Demain, les actifs vont vendre, non plus leur diplôme, mais leur réseau. Plus les réseaux seront larges, nombreux et bien entretenus, et plus les gens seront efficaces. "De nombreuses formes de travail vont coexister, estime Sandra Enlart. Micro-entreprises, temps partiels de toutes sortes, contrats sur objectifs, contrats multi-employeurs, contrats multisalariat (plein-temps occupés par plusieurs personnes qui s'entendent entre elles en amont). Et la fluidité entre les différents statuts deviendra incontournable."
Les entreprises auront un noyau dur de compétences et entretiendront des rapports marchands, plus souples, avec d'autres profils de travailleurs. "Chacun va devoir créer son propre emploi", explique, quant à lui, Philippe Achalme, qui plaide pour la pluriactivité, "gage de sécurité". Quant au télétravail, il sera devenu banal à un horizon relativement proche. "Les accords vont se développer, et la France va finir par combler son retard en la matière", explique Raphaële Gauducheau.
Mais, dans un monde du travail où les échanges seront devenus essentiellement virtuels, "il sera non seulement utile et convivial, mais finalement productif de se retrouver physiquement. La nouvelle problématique sera de recréer des liens de proximité", avertit Sandra Enlart. Le lieu de travail deviendra alors une ressource, c'est-à-dire un espace de socialisation, de collaboration et d'apprentissage, et non plus, comme le jugent certains, une contrainte.
Organiser l'employabilité des salariés
"Nous sommes à l'aube d'une transformation radicale du travail, du management et de la gestion des RH, prédit Laurent Choain. D'autres modes de management, fondés davantage sur le coaching et la relation ouverte que sur un management de type hiérarchique, seront nécessaires", estime-t-il.
Conséquence: dans une dizaine d'années, le DRH n'aura plus du tout le même rôle. "Il devra gérer des communautés dans des systèmes ouverts. Dans ce contexte, l'idée du DRH qui contrôle tout avec des systèmes internes sera totalement révolue. D'autre part, il devra être capable non pas d'organiser la rétention des salariés, mais leur employabilité."
Et le DRH de Mazars d'illustrer par le cas de son entreprise où seuls 5% des salariés restent et deviennent associés. "Pour les 95% autres, l'expérience Mazars doit être fondatrice de leur avenir professionnel, même ailleurs." Pour Philippe Achalme, "dans l'entreprise de demain, les rapports vont se rééquilibrer entre l'employeur et les salariés: moins de soumission, plus d'engagement".
Source (lexpress.fr)
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