L'un met "des alertes" sur son téléphone pour relancer les entreprises où il a postulé, un autre suit une formation pointue en anglais "pour que (son) CV se retrouve du bon côté": chômeurs de longue durée, ils restent combatifs malgré les refus, le stress et l'isolement.
Les chômeurs inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an n'ont jamais été aussi nombreux: 1,8 million (y compris les personnes travaillant épisodiquement). La moitié d'entre eux le sont depuis plus de deux ans. Un paquet de souffrances, le sentiment d'être "en aparté de la vie sociale".
Pour ne pas sombrer, Pascal, 45 ans, marié et père de deux enfants, s'impose chaque jour une discipline de fer: candidatures spontanées, relances, adaptation du CV afin de "coller" aux offres, tour des agences d'intérim, veille sur internet. Il écume aussi les salons professionnels.
Depuis son licenciement fin 2010 après 11 ans dans une multinationale informatique, ce technicien fait des pieds et des mains pour être pris en contrat en alternance d'"administrateur réseau". "J'ai laissé mon nom partout" en Ile-de-France, dit-il avec une pointe d'amertume.
Dans son attaché case, des dizaines de lettres de refus à entête de grands groupes. Son agenda regorge de cartes de visite soigneusement consignées.
Pascal a de l'expérience, "ça devrait passer mais ça pèche quelque part". Le fait d'avoir été licencié ne joue pas en sa faveur, pense-t-il.
Comme lui, Marc, ex-cadre commercial dans l'industrie pharmaceutique, cache qu'il a fait condamner son ex-employeur aux prud'hommes, "cela fait peur", dit-il. Le temps passant, il s'invente aussi des petits boulots. "Il faut baratiner car les recruteurs voudraient tous qu'on ne soit au chômage que depuis un mois", témoigne cet homme élancé ne portant pas ses cinquante ans.
"Ce qu'on perd le plus vite, c'est le vocabulaire"
Ces 20 mois de chômage sont les plus longs vécus par Marc, qui cherche les mots justes, car "ce qu'on perd le plus vite, c'est le vocabulaire". Depuis deux mois, il prépare un certificat international d'anglais. Il veut devenir "business développer".
Se retrouver, avec d'autres, en formation "baisse la tension" qui "bouffe" ses nuits, raconte ce père divorcé, qui se sent de nouveau "dans le coup". Il a attendu longtemps ce stage: "une perte d'argent pour Pôle emploi, une perte de chance pour moi".
La "galère" a duré plus encore pour Mustapha, gaillard trapu de 46 ans, T-shirt de foot et blouson de cuir, inscrit à Pôle emploi depuis 2008. "Ce sont les associations qui m'ont aidé", témoigne cet ex-réparateur, croisé à l'Assol (MNCP) à Nanterre. Ce père a connu la rue, vit du RSA, s'est "reconstruit". Il entamera en septembre une formation dans la vidéo-surveillance. "Je ne sais pas si je saurai toujours travailler. Mais je suis motivé, je n'ai pas baissé les bras", dit-il.
Pour Isabelle, cadre de 58 ans, la possibilité d'une formation vient de s'envoler: "annulée faute de participants". Un coup au moral, un "bug de plus". Trouver une formation financée est "ahurissant de complexité, il faut une énergie du diable", témoigne cette mère, cadre dans l'édition et la communication.
Depuis son inscription fin 2006 à Pôle emploi, après un accident du travail, elle a eu 3 CDD. Mais, depuis décembre, le réseau ne fonctionne plus. Elle a déménagé dans un appartement plus petit, se sent "seule avec son ordinateur" et s'est tournée elle aussi vers une association. Ses deux "accompagnatrices" de Solidarités nouvelles face au chômage sont un soutien précieux.
Isabelle sent que son âge est devenu "bloquant". Elle trouve "idiot" ce raisonnement des entreprises: "il n'est pas dit qu'un jeune de 30 ans restera deux ans" alors qu'elle "se voit travailler encore dix ans".
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