CE, CHSCT, DUP : comment tirer profit du temps qui vous reste avant la mise en place du CSE ?

Posté le 16 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Toutes les entreprises devront avoir adopté, au plus tard le 1er janvier 2020, l'organisation de leur représentation du personnel en instance unique. Comment mettre le mieux à profit le temps qu'il vous reste au sein d'instances séparées ?

La mise en place du CSE (comité social et économique) dépend à la fois de la date de renouvellement d'une de vos instances (CE, DP, CHSCT, DUP) mais aussi de la décision de votre employeur, au cas où vous ne trouviez pas d'accord avec lui sur ce point. Vous disposez donc, selon les cas, de quelques semaines, de quelques mois voire d'un à deux ans, pour tirer encore profit d'instances séparées et/ou des dispositions négociées par accord d'entreprise, dispositions qui tombent dès le premier tour des élections professionnelles mettant en place le CSE. Nous avons listé quelques conseils ci-dessous.

1. Prendre connaissance des nouvelles dispositions concernant la nouvelle instance

Le premier conseil est bien sûr de vous informer sans attendre sur ce qui vous attend, de vous documenter sur le futur CSE et de commencer à réfléchir à une stratégie de négociation vis à vis de votre employeur, d'autant plus que les conseils d'entreprise ont multiplié les séances d'informations pour leurs clients. En effet, de nombreux points sont ouverts à la négociation. Cela va de la composition et des moyens de l'instance (nombre d'élus, crédits d'heures, etc.) à ses modes d'information (BDES, base de données économiques et sociales) et de consultation (périodicité, notamment). Il est important pour vous de connaître ces marges de manoeuvre ainsi que les textes applicables à défaut d'accord.

Face à l'employeur, une entente entre syndicats est bien sûr à rechercher. Ce ne sera pas toujours aisé, car la redistribution des cartes qui va s'opérer avec le renouvellement électoral risque de relancer la compétition entre les différentes organisations. "Dans mon département, je fais une réunion d'information sur le CSE le 23 janvier pour nos équipes syndicales des entreprises privées. Nous essayons de sensibiliser nos élus. Mais je crains que beaucoup de représentants du personnel, dans les PMI-PME, ne découvrent la réalité et les conséquences du passage au comité social et économique qu'au moment de négocier le protocole préélectoral", témoigne Yann Perrotte, secrétaire général de FO dans la Manche.

► Commentaire de Julien Sportès, du cabinet Tandem expertise : "Face à l'ampleur des négociations qui les attendent, beaucoup d'élus se demandent comment s'organiser. Une réponse à leur apporter est de leur rappeler qu'ils peuvent financer, sur le budget de fonctionnement du CE, de la formation pour s'approprier les ordonnances mais aussi recevoir une forme de conseil plus large sur ces questions".

2. Imaginer les futures équipes

Il vous faudra rapidement vous projeter dans le CSE. Ce qui suppose de composer une équipe de candidats ayant des compétences diverses et complémentaires, jusqu'alors utilisées instance par instance  : la connaissance du code du travail (délégués du personnel), la maîtrise des questions liées autour des conditions de travail (CHSCT), la capacité à appréhender la marche économique de l'entreprise (CE) sans oublier la capacité à gérer de façon dynamique et imaginative les activités sociales et culturelles (CE).

Les personnes ayant accumulé de l'expérience sur ces différents domaines vont se révéler précieuses. Il va falloir rapidement se faire une idée de qui veut "rempiler" ou pas, et de préparer le renouvellement, sachant que le nombre d'élus total sera inférieur, ce qui pourrait amener des élus que leur syndicat invite à se retirer à choisir une autre étiquette afin de garder leur mandat. "Je vois deux problèmes. D'abord, des élus qui ont une préférence forte pour leur mandat -par exemple, un délégué du personnel qui aime relever les questions dans les ateliers et qui connaît bien le code du travail- pourraient renoncer à leur mandat plutôt que d'accepter de tenir tous les registres au sein d'une instance unique. Ensuite, la fusion des IRP va réduire le nombre des élus et parfois obliger le syndicat à choisir entre plusieurs sortants pour les places éligibles", estime Yann Perrotte.

En effet, l'un des risques qu'entraîne la fusion des IRP est que la polyvalence doublée d'une grande technicité qui seront demandés aux élus fassent peur à d'éventuels candidats. Le danger serait de se retrouver avec des équipes d'élus peu nombreuses, devant assumer une charge de travail forte, au détriment du contact avec les salariés.

Commentaire de Julien Sportès : "Anticipez les redécoupages envisagés et leurs conséquences sur le nombre d'élus et donc les candidats possibles. Cela pourra vous amener à négocier des représentants de proximité et/ou chercher encore davantage de nouvelles vocations

3. Informer les salariés

Le deuxième conseil sans doute qui peut être donné, c'est d'informer les salariés de l'enjeu des changements de la représentation du personnel, dont ils n'ont pas toujours conscience : quels seront les interlocuteurs chargés de les représenter, quel sera leur rôle ? A vous de leur donner ces informations. L'échéance du CSE peut être l'occasion, bien avant le rendez-vous électoral, d'aller au contact des salariés pour connaître leurs préoccupations, leurs problèmes, leurs conditions de travail, et ainsi de nourrir votre argumentation auprès de votre employeur quand il s'agira de défendre des instances proches du terrain ou la nécessité d'une commission santé sécurité conditions de travail sur tel ou tel site.  Vous pourrez ensuite vous appuyer sur leur soutien au moment où vous négocierez avec l'employeur des points aussi délicats et sensibles que le nombre et la taille des établissements distincts, ce qui détermine le degré de proximité des élus avec leurs salariés, et les moyens des CSE. "Si je me réfère à ce qui s'est passé pour la délégation unique du personnel, je ne m'attends guère à un soutien des salariés sur ces points", tempère Yann Perrotte.

► Commentaire de Julien Sportès :  "Des élus qui ont pu reconduire leurs instances séparées avant l'échéance du CSE me disaient récemment qu'ils étaient très inquiets devant la future échéance électorale en 2019 du fait de la faible participation au dernier scrutin. Il va leur falloir mobiliser les salariés en leur prouvant que les élus servent à quelque chose".

4. Tirer profit des instances actuelles

Pour l'instant, le cofinancement des expertises par le CE ne concerne que l'expertise réalisée dans le cadre de la consultation portant sur les orientations stratégiques : l'employeur finance 80% du coût et le CE doit en supporter 20%. Avec le CSE, tout change : on assiste à une généralisation du cofinancement, seules 4 expertises y échappant (les expertises relatives à la consultation sociale et à la consultation sur la situation économique, en cas de PSE, en cas de risque grave).

Il peut donc être intéressant de profiter de la prise en charge totale par l'employeur des expertises pendant que vous le pouvez encore. Mais attention à ne pas en abuser, corrige Annick Chassagnieux, du cabinet Apteis : "Par exemple, l'expertise risque grave du CSE devra se faire dans des délais contraints, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Mais ce n'est pas une raison pour conseiller aux CHSCT de lancer cette expertise maintenant, non, il faut bien sûr que cela corresponde à un danger réel !"

La piste des expertises libres doit aussi être exploré. Ici, c'est l'instance qui va financer ses propres expertises et conseils afin de s'appuyer sur des cabinets, avocats ou experts afin de bien préparer l'échéance du CSE.

Tirer profit des instances actuelles, ce peut être aussi réfléchir à une meilleure action commune des DP, CE et CHSCT : organisez des rencontres d'élus d'instances différentes (ceux qui cumulent les mandats ont bien sûr l'habitude de jongler avec ces différents rôles) pour vous habituer à discuter ensemble des problématiques, et commencer ainsi à apprivoiser le futur CSE pour mieux s'en servir.

► Commentaire de Julien Sportès : "Faire remonter les thématiques locales risque de poser problème demain avec le CSE. Je suggère donc aux représentants du personnel de prévoir, dans le cadre de l'accord sur le fonctionnement du CSE, d'organiser par exemple une fois par trimestre une réunion regroupant tous les représentants du personnel, afin justement de faire émerger ces préoccupations locales. Ce type de réunions peut déjà servir, dans le cadre des instances actuelles, à préparer un travail commun en vue du CSE".

5. Continuer à représenter les salariés

Là aussi, c'est un conseil qui n'est guère original, tant il semble d'évidence : les salariés feront d'autant plus confiance à une équipe candidate pour le nouveau cadre du CSE qu'ils auront été convaincus par l'investissement des élus dans les instances actuelles. Tirer profit des instances actuelles, c'est aussi utiliser ses heures de délégation -qui pourraient dans le cadre du CSE être d'une durée inférieure- pour cultiver la relation avec les salariés. On pense ici, notamment, au mandat des DP. "Nous encourageons toujours la proximité avec les salariés, approuve Yann Perrotte, mais c'est vrai que la perspective du CSE renforce encore cette exigence".

Actuel-ce Bernard Domergue (lire l'article original)