Comment évaluer les représentants du personnel ?

Posté le 21 mai 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctFormation, rémunération, évolution de carrière... Selon le type de mandat exercé, les entreprises commencent à mettre en place des dispositifs spécifiques pour évaluer leurs représentants du personnel. Avec à la clef, des entretiens de début ou de fin de mandat, dissociés de l'entretien classique d'évaluation.

D'ici le 30 juin, Axa France devrait disposer d'un nouvel accord de droit syndical. BNP-Paribas a renouvelé, le sien le 15 mars dernier, après trois mois de négociation tandis que Michelin est parvenue à boucler les discussions en janvier dernier. Une première pour cette entreprise réputée paternaliste. Points communs de ces accords? " Poser des règles claires en matière de gestion de carrières des représentants du personnel afin d'éviter toute discrimination syndicale ", assure Sybille Quéré-Becker, directeur du développement social d'Axa France qui compte, en interne, quelques 980 titulaires de mandats syndicaux (200 équivalents temps plein). "Préciser les modalités d'accompagnement spécifiques à cette population ", ajoute Didier Legrand, responsable politiques et affaires sociales de BNP Paribas qui comptabilise, de son côté, 1800 mandats (délégués du personnel, CHSCT, comité d'établissements, comité central, comité de groupe et comité européen). Une personne pouvant détenir plusieurs casquettes.

Un sujet souvent conflictuel
La question, délicate, de l'évaluation des représentants du personnel laisse perplexe de nombreux DRH et managers. Un sujet souvent conflictuel même. Les représentants du personnel se plaignant d'être bridés dans leurs évolutions professionnelles tandis que les responsables hiérarchiques considèrent que leurs contraintes syndicales posent des tensions au sein de leur équipe.
Obligations des employeurs
Depuis la loi du 20 août 2008, les entreprises d'au moins 300 salariés ont des obligations à l'égard de leurs représentants syndicaux. " Elles sont tenues de prendre en compte l'expérience acquise par les syndicalistes dans le cadre de l'exercice de leur mandat ", affirme Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l'association Dialogues, spécialisée dans les relations sociales. Une obligation qui prend toute son importance dès l'instant qu'avec moins de 10% des suffrages exprimés, un délégué syndical perd son mandat syndical et doit reprendre son poste de travail. La CFTC de BNP Paribas a réalisé un peu moins de 7%, lors des élections professionnelles de mars 2013. A charge pour le groupe bancaire de reclasser 22 syndicalistes exerçant un ou plusieurs mandats à plus de 50% de leur temps de travail, en fonction de leurs nouvelles compétences.

Adapter les objectifs de chaque élu
" Il est interdit à un manager d'évaluer l'activité syndicale de son collaborateur", rappelle Marion Perin, directrice d'activité au sein du Pôle RH organisation de HR Valley, un cabinet spécialisé dans les ressources humaines. Au risque sinon d'être accusé de discrimination syndicale. La Caisse régionale du Crédit agricole de Charente Périgord l'a, d'ailleurs, appris à ses dépens. Dans un arrêt du 11 janvier 2012, la Cour de cassation a, en effet, condamné l'entreprise qui avait évoqué l'exercice du mandat syndical d'un salarié lors de son entretien d'évaluation. D'où l'obligation pour les managers de se focaliser " uniquement sur le travail du collaborateur et de ses compétences ", poursuit Marion Perin. En adaptant " les objectifs à la disponibilité de chaque élu, au prorata du temps travaillé (après déduction du temps de réunion et des heures de délégation consacrée à l'exercice des mandats) ". Un exercice périlleux tant les frontières entre les deux activités sont poreuses.

Mandat à temps plein
Mais quid des salariés exerçant des activités syndicales à temps plein ? " Là, les choses se compliquent sérieusement, constate Jean-Dominique Simonpoli. Les entreprises ne savent plus comment faire." Ou se contentent du minimum. " Mon chef m'assigne des objectifs mais je ne peux pas les atteindre car mon temps de mandatement m'impose de préparer les réunions de négociation et de me déplacer hors établissement. Du coup, je ne suis presque plus dans le service ", confirme Patrick Bovolonta, délégué central CFDT de Michelin, " détaché " depuis un an. La conversation peut même prendre une tournure imprévue, en se focalisant sur " les notes de frais, la programmation de mes déplacements ou encore mon badge d'accès". Des défauts que le nouvel accord devrait corriger.

Entretien de début de mandat
D'autres entreprises vont plus loin en organisant des entretiens, en début de mandat, puis chaque année, dissocié de l'entretien classique d'évaluation. Il est alors mené " par un responsable RH, jugé plus objectif, qu'un manager focalisé davantage sur la productivité de ses collaborateurs ", affirme Alain de Bejarry, directeur des instances représentatives du personnel de France Télécom-Orange. Voire par une personne dédiée, responsable de la gestion RH des syndicalistes, comme à BNP Paribas. Un poste créé, en 2009, lors de la signature du premier accord sur le droit syndical. Cet entretien concerne, chez PSA Peugeot Citroën, tous les délégués syndicaux centraux et les secrétaires de comité d'entreprise (CE), mandatés avec au moins 40% de leur temps dans une activité syndicale. A France Télécom-Orange, cela vise l'ensemble des représentants du personnel. Il reste, toutefois, ici, optionnel. Car si l'accord du 9 septembre 2001 l'imposait, le texte a été amendé quelques semaines après sa signature, face à la réticence de certains syndicats. Mais, de l'avis d'Alain de Bejarry, il reste déterminant pour " mieux articuler les activités professionnelles et syndicales et estimer le temps consacré à l'exercice du mandat ". Surtout, il permet de redéfinir " la réorganisation du service ou d'envisager le remplacement des titulaires de mandats à temps plein, systématique pour la fonction commerciale ".

Rémunération variable
Autre sujet abordé lors de ces tête-à-tête: le calcul de la part variable de la rémunération, souvent source d'inégalité. Chez France Télécom-Orange, l'accord prévoit de proratiser les objectifs en fonction du temps de présence du salarié à son poste de travail. Pour les collaborateurs occupant un mandat de plus de 50% de leur temps de travail, l'augmentation salariale est égale à la moyenne des augmentations accordées aux autres salariés de l'équipe de référence du syndicaliste. Un système analogue existe chez BNP Paribas. Avec, toutefois, deux particularités : " Les conseillers de clientèle percevant des commissions ou les salariés qui bénéficiaient de primes d'astreinte ne perdent pas de pouvoir d'achat, précise Didier Legrand. L'entreprise leur verse le manque à gagner qu'ils percevaient, en moyenne, les trois dernières années précédant le mandat ". Pour éviter toute discrimination salariale, PSA Peugeot Citroën scrute même l'évolution de la rémunération des représentants du personnel chaque année par rapport aux deux ou trois années précédentes. Afin de démontrer " que l'activité élective ou syndicale ne constitue pas un frein à l'évolution des rémunérations ", prévient Cécile Rabault, directrice des relations sociales et du travail au sein du groupe automobile.

Formation certifiante
Certaines entreprises investissent même dans la formation des représentants du personnel. PSA Peugeot Citroën, Axa France, LCL, Danone, Total ou BNP Paribas, ont ainsi confié à Sciences Po, le soin de certifier leurs syndicalistes, à travers un parcours de formation d'une douzaine de jours sur huit mois portant sur le management, l'efficacité personnelle, la culture économique et sociale, le syndicalisme et les relations sociales. Avec la collaboration de l'association Dialogues.


Evaluer les compétences des représentants du personnel à la fois par l'employeur (DRH groupe, RRH local) et son organisation syndicale : telle est l'idée actuellement développée (et testée dans une entreprise qui souhaite, pour l'heure, rester secrète) par l'association Dialogues afin de mesurer au plus près les aptitudes et savoir-être des syndicalistes exerçant un mandat. Pour ce faire, l'association a répertorié plus de 200 compétences liées à leur fonction selon le type de mandat exercé (CE, comité de groupe, comité européen, CHSCT, DS d'établissement, de groupe...). A suivre.


VAE syndicale
Autre initiative : la prise en compte de l'expérience syndicale par le biais d'un dispositif de VAE (valorisation des acquis de l'expérience) qui met en avant les compétences valorisables immédiatement (par exemple, en sécurité) ou à plus longue échéance (la communication, les techniques du débat contradictoire, l'animation d'équipes, la gestion RH et financière). Accessible aux mandatés exerçant depuis au moins six ans et dont l'activité syndicale a occupé au moins 50% de leur temps, ce dispositif s'inscrit, par exemple, chez Axa France, dans le cadre du droit individuel à la formation (Dif). Il a, d'ores et déjà, bénéficié à une trentaine de personnes. L'initiative de la VAE revenant à l'individu et à son organisation syndicale. Avec pour objectif de muscler l'employabilité des intéressés que ce soit dans le cadre d'une poursuite de mandat ou d'un retour à la vie professionnelle, en proposant un meilleur positionnement en termes de poste ou d'échelon. Une démarche, qui complétée d'une formation, a permis à un ancien syndicaliste de BNP Paribas de devenir chargé de recrutement. Un des postes RH très convoités par les représentants du personnel.

Source (lentreprise.lexpress.fr)

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