Cannabis, marijuana, mais aussi cocaïne, ectazy, amphétamines... Les entreprises ont occulté pendant de nombreuses décennies la consommation de drogues, estimant que cela relevait de la sphère privée. Ce tabou commence à se lever. Selon l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), les conduites addictives seraient la cause de 10% à 20% des accidents du travail. Un chiffre impossible à vérifier mais qui donne des sueurs froides aux DRH compte tenu de l'obligation de sécurité qui pèse sur leurs épaules. Le sujet est pris d'autant plus au sérieux que de tels comportements peuvent entraîner absentéisme, conflits, mais aussi accidents et baisse de la performance.
Selon Michel Paris, médecin du travail au sein de l'Ametif (Association médecine du travail en Ile-de-France), " on compte environ 7% à 15% de consommateurs réguliers ou occasionnels parmi les salariés testés, c'est-à-dire ceux occupant des postes de sécurité ". " D'après une enquête menée, l'an passé, chez un client, un tiers des salariés consommait régulièrement du cannabis, rapporte Sylvain Niel, avocat associé du cabinet Fidal et président du Cercle des DRH. A ce niveau, le risque d'accidents est important ". La difficulté, souligne Alain Everbeck, DRH du groupe Poclain Hydraulics (1800 salariés dans le monde, dont 600 en France) est que l'usage de stupéfiant est " difficilement détectable ", et ce d'autant plus que les traces de ces substances peuvent rester plusieurs semaines dans l'organisme, voire davantage selon les individus.
Faibles marges de manoeuvre des DRH
De quelle marge de manoeuvre disposent les services RH ? Pour l'heure, elles sont limitées. Car les problèmes liés à la drogue en entreprise sont d'abord l'affaire des médecins du travail. Et non des DRH. " On ne peut agir que sur le volet prévention, regrette Fabien Rosso, responsable adjoint de l'unité Prévention et santé au travail de la RATP. Un agent peut être poursuivi s'il provoque un accident mortel sans que l'on ait pu agir en amont ". " Les médecins du travail ont une responsabilité qu'ils ne peuvent assumer, renchérit Philippe Signe, DRH de Bouygues Entreprises France-Europe (qui regroupe les filiales de Bouygues construction). Leurs services se réduisent comme peau de chagrin. Il faut donner davantage de latitude à l'employeur car la législation actuelle n'est pas suffisante ". Une situation jugée même " abracadabrantesque " par Sylvain Niel. Car comment repérer un salarié travaillant sous l'emprise de la drogue ? Que faire s'il refuse d'aller voir un médecin du travail ? Quelle sanction lui infliger en cas d'inaptitude avérée ?
Règlement intérieur
Pour l'heure, les dépistages systématiques et généralisés sont effectivement interdits dans l'entreprise. Seuls les salariés affectés à des " postes de sécurité ou de sûreté ", définis au cas par cas, peuvent être contrôlés. Une pratique qui a même reçu l'aval du Comité consultatif national d'éthique, en 2011. L'employeur est libre d'en établir la liste - du vigile au directeur financier - en concertation avec le CHSCT et le CE. Seul impératif : que l'éventualité d'un tel dépistage soit prévue par le règlement intérieur. " Car en l'absence de telles dispositions, le contrôle sera illicite ", avertit Déborah David, avocate au sein du cabinet Jeantet Associés. C'est pour éviter un tel scénario que Bouygues Construction n'a pas hésité à revoir son règlement intérieur, l'an passé : depuis un accident mortel lié à la drogue tous les emplois présents sur un chantier sont désormais considérés comme des postes à risque. La RATP a, elle, aussi, unifié son règlement, en 2008 : les 13 CHSCT dépendants de l'Epic, établissement public à caractère industriel et commercial, (45 000 salariés), disposent désormais d'une seule et même liste de métiers concernés par le dépistage : conducteur de train, personnel de maintenance mais aussi agent de station. Soit, au total, 80% des postes de l'entreprise. Quant à la SNCF, ce sont 60% des postes qui sont visés (hormis les emplois administratifs et informatiques). Le dépistage est également systématisé pour les nouveaux embauchés à des postes de sécurité.
Dépistage
Une fois ces conditions définies, des contrôles inopinés peuvent avoir lieu. A la RATP ou chez Bouygues Entreprises France-Europe, ce sont les managers qui effectuent ces tests. Avec à la clef, un " retrait immédiat " du salarié du chantier chez le constructeur où le principe de la tolérance zéro est strictement appliqué. Doublé par un entretien obligatoire avec les RH et la prise en charge par la médecine du travail (dans un délai de 48 heures) qui se prononce sur l'aptitude ou non du salarié à reprendre le travail. Mais la démarche reste encore rare. Car, d'après les recommandations du ministère du Travail, les tests doivent être réalisés par un médecin du travail. A charge donc pour les managers de détecter tout comportement inhabituel voire dangereux d'un des membres de leur équipe. Puis de convaincre le salarié concerné de se rendre chez le médecin du travail. En cas de refus ? " Il y a une sanction pour non-respect du règlement intérieur ", indique Emmanuel Laurent, responsable Prévention et santé au travail de la SNCF qui dispose de ses propres centres d'aptitude ferroviaire.
Source (lexpress.fr)
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