Faut-il interdire la cigarette électronique au travail ?

Posté le 21 mai 2013 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctL'usage de la cigarette électronique se développe de façon exponentielle avec, probablement, déjà plus de 500.000 utilisateurs réguliers en France. Or, en raison d'un certain vide juridique, son usage s'étend rapidement à des lieux dans lesquels la cigarette traditionnelle avait été bannie.
Pourtant, l'innocuité de cette pratique n'ayant pas été démontrée, il est vivement conseillé aux employeurs d'en réglementer l’usage, voire de l’interdire, comme le souligne un document récemment publié par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

Des vapeurs chargées de substances toxiques
La cigarette électronique fonctionne grâce à une résistance permettant de transformer un liquide en vapeur destinée à être inhalé par l'utilisateur. C'est pourquoi, on appelle ces derniers non plus des “fumeurs” mais des “vapoteurs”. Toutefois, l'innocuité de cette “vapeur” est loin d'avoir été démontrée. En effet, comme le soulignent Philippe Hache et Sandy Basile, experts à l'INRS, le liquide utilisé “contient du propylèneglycol ou du glycérol, des arômes et/ou de la nicotine”. Or, ces substances sont loin d'être anodines. Il est ainsi avéré que le propylène-glycol peut provoquer des irritations oculaires et des difficultés respiratoires. La Direction générale de la santé met également en garde, indiquant qu'il peut “entraîner des effets neurologiques comparables à l'état d'ébriété”. Quant à la nicotine, elle conserve bien sûr ses effets toxiques bien connus lorsqu’elle est inhalée sous forme de vapeur…

Une innocuité non démontrée pour l’entourage
Les experts de l'INRS citent une étude faisant état d'une augmentation de la résistance pulmonaire suite à l'usage de la cigarette électronique et une seconde relatant la survenue d'une pneumopathie lipidique bilatérale chez une femme recourant à ce dispositif depuis plusieurs mois. Ils rapportent également une augmentation de la fréquence cardiaque des patients utilisant une cigarette électronique chargée en nicotine. Enfin, il est avéré que, dans un espace clos, cet instrument charge l'air de “composés organiques volatiles et de particules fines ou ultrafines”. Pour Philippe Hache et Sandy Basile, “il ne peut donc être conclu, à l'heure actuelle, à l'absence de risque pour l'entourage du consommateur (salariés, clients, etc.).”

Des risques d‘explosion à prendre en compte
En matière de sécurité, la cigarette électronique présente également des risques en raison de sa combustion. Il convient donc d'en proscrire absolument l'usage dans les locaux et les lieux dont l'atmosphère peut être chargée de substances explosives ou inflammables, conformément aux dispositions des articles R. 4427-22 et R. 4227-42 à R. 4227-54 du Code du travail.

Respecter l'obligation de sécurité de résultat
Mais, au-delà même de ces circonstances particulières, les experts de l'INRS estiment que le risque que fait peser la cigarette électronique sur la santé du consommateur et celle de son entourage doit être pris en compte par les employeurs dans le cadre de leur “obligation de sécurité de résultat”. Ils considèrent notamment que les articles R. 4222-1 à 4222-24 du Code du travail relatifs à l'aération et à l'assainissement des locaux devraient conduire à l'interdiction de la cigarette électronique sur les lieux de travail. Selon eux, “l'employeur se doit de protéger tous les salariés d'une éventuelle exposition passive à ce produit qui, en raison des impuretés qu'il contient, et des composés volatils et des particules libérés dans l'atmosphère, est susceptible d'être préjudiciable pour la santé.”

Prendre des dispositions dans le règlement intérieur
Pour l'INRS, l'employeur est donc en droit d'interdire, par la voie du règlement intérieur, l'usage de la cigarette électronique sur le lieu de travail et - plus généralement - dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public.


Expliquer la mesure d’interdiction
Comme toute mesure concernant les comportements addictifs, l'interdiction de la cigarette électronique nécessite un minimum de pédagogie pour qu'aucun salarié ne se sente stigmatisé ou contrarié dans l'exercice de sa liberté individuelle. Il conviendra notamment de souligner que le règlement intérieur s'applique à tous et qu'en dehors de toute considération morale, il ne vise qu’à protéger l'intérêt du collectif de travail dans son ensemble et de mettre l'entreprise en règle avec la loi. Lorsque cela est possible, il convient d'associer le médecin du travail à cette démarche.


Pour aller plus loin : “Cigarette électronique. Peut-on l'utiliser dans un bureau ?”, par Philippe Hache et Sandy Basile dans Références en santé au travail, mars 2013, téléchargeable sur www.inrs.fr.

Source (PointOrgSécurité)

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