Harcèlement moral au travail : comment réagir ?

Posté le 13 juillet 2016 | Dernière mise à jour le 12 juillet 2023

Harcèlement moral au travail : comment réagir ?

Alors qu'un procès de France Télécom et de son ex-patron pour harcèlement moral se profile, voici les clés pour comprendre ce phénomène qui prospère en temps de crise.

Une série de suicides devenue symbole de la souffrance au travail : après sept ans d'enquête, le parquet de Paris a demandé le renvoi en procès pour harcèlement moral de France Télécom et de son ex-patron Didier Lombard, soupçonnés d'avoir mis en place une politique de déstabilisation des salariés.

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

Selon les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, "le harcèlement à l’encontre d’un salarié est constitué par les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Selon la psychiatre Marie-France Hirigoyen, auteur d'un Que sais-je ? sur le sujet et qui avait écrit dès 1998 un ouvrage ayant fait autorité sur la question, le harcèlement exige qu'il y ait répétition et "une différence de pouvoir des personnes, c'est à dire, un supérieur hiérarchique ou un collègue qui prend le pouvoir et ne laisse pas à l'autre la possibilité de se défendre".

Elle note que dans pratiquement tous les pays, y compris la France, il n'y a pas besoin qu'il y ait intention malveillante. Dans son ouvrage, elle souligne aussi que tous les niveaux hiérarchiques peuvent être touchés mais que plus on monte, "plus les méthodes sont subtiles et donc difficiles à repérer".

Que prévoit la loi ?

Le harcèlement moral est un délit réprimé par la loi depuis 2002.

Le code pénal indique que le harcèlement est passible de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.

Le salarié se doit d'amener "des faits à peu près précis et concordants pouvant remplir la définition du harcèlement [...], à charge pour l'employeur de démontrer qu'il n'y a pas harcèlement", explique l'avocat Philippe Pataux.

Il relève que les cas qui arrivent au pénal sont très rares, la majorité des dossiers se réglant aux prud'hommes, un autre avocat, Samuel Gaillard, côté salarié, assure que si peu de dossiers sont au pénal c'est parce que "les plus graves transigent toujours".

Que s'est-il passé chez France Télécom ?

France Télécom, devenue Orange, a été la première entreprise du CAC 40 à avoir été mise en examen pour harcèlement moral. Un procès amènerait la justice à trancher la première affaire de harcèlement à grande échelle dans une entreprise de cette taille.

39 victimes sont notamment citées dans l’ordonnance de renvoi : 19  se sont suicidé, 12 ont tenté de le faire, et 8 salariés ont subi un épisode de dépression ou ont été en arrêt de travail. Selon les syndicats et la direction, 35 salariés s'étaient donné la mort en 2008 et 2009, parfois devant leurs collègues, sur le lieu de travail, laissant souvent une lettre d'adieu mettant en cause le management proche "de la terreur" ou le choc d'une mutation au mépris de leurs qualifications.

Quels sont les chiffres ?

Selon une enquête de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail menée dans 31 pays européens et publiée en 2013, le stress au travail est perçu comme un phénomène courant par plus de 50% des salariés. Causes les plus fréquemment citées : réorganisation ou insécurité de l'emploi, surcharge de travail, harcèlement.

Ce stress au travail va croissant : selon une enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels), 16% des salariés se disaient victimes d'hostilité et de malveillance au travail en 2003, contre 22% en 2010.

Quels recours ?

La France est l'un des pays au monde où les salariés sont les plus protégés par la loi et par des syndicats, notamment dans les grandes entreprises.

Le site servicepublic.fr  liste les procédures, qui peuvent être utilisées par le salarié en même temps :

Alerte du CHSCT et des représentants du personnel

Les représentants du personnel peuvent vous aider dans toutes vos démarches.  Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, s'il existe, dispose d'un droit d'alerte qui lui permet de prévenir l'employeur de tout cas de harcèlement moral.

Alerte de l'inspection du travail

L'inspecteur du travail pourra constater tout cas de harcèlement moral et, éventuellement, transmettre le dossier à la justice.

Médiation

Vous pouvez aussi engager une procédure de médiation avec l'auteur des faits. Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les deux parties. Le médiateur tente de concilier les parties et leur soumet des propositions écrites en vue de mettre fin au harcèlement : un changement de poste pour l'auteur des faits par exemple. En cas d'échec de la conciliation, le médiateur vous informe de vos droits en cas de saisie de la justice.

Saisie des prud'hommes

Vous pouvez saisir le conseil de prud'hommes pour obtenir réparation du préjudice subi. La procédure aura lieu contre votre employeur, même si ce n'est pas l'auteur direct du harcèlement. Dans ce cas, votre employeur sera jugé pour ne pas vous avoir protégé contre le harcèlement. Il peut aussi être poursuivi pour licenciement abusif (si vous avez dénoncé des faits de harcèlement).

Saisie de la justice pénale

Vous pouvez aussi poursuivre au pénal l'auteur direct du harcèlement. Cette plainte peut venir en complément d'une plainte aux prud'hommes contre votre employeur. Par exemple, vous poursuivre le gérant de votre entreprise aux prud'hommes et votre chef de service au pénal. La victime peut porter plainte dans un délai de trois ans à partir du fait le plus récent de harcèlement (derniers propos tenus, dernier mail...). La justice prendra alors en compte tous les faits de harcèlement venant du même auteur. Et ce, même si le harcèlement dure depuis plusieurs années.