Heureusement, le médecin de prévention a une place plus claire que le médecin du travail

Posté le 27 septembre 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctMédecin de prévention, médecin du travail : deux appellations pour deux pratiques distinctes. Quelle différence et quelle place pour ces deux pratiques avec la nouvelle réforme des services de santé au travail ? Le Pr. Alain Dômont, nous a livré sa vision.
Alain Dômont, professeur et spécialiste de santé publique et de médecine du travail, analysait, à l'occasion du colloque du cabinet epHYGIE*, la place du médecin de prévention au sein de l'équipe pluridisciplinaire de santé au travail dans les fonctions publiques. Pour lui, cette place est plus claire et plus en accord avec la directive européenne que celle du médecin du travail dans le privé. Il espère que cela pourra perdurer avec la réforme des services de santé et que les médecins du travail sauront eux-aussi ne pas s'y perdre.

"On a réglementé avant de réfléchir"
"On oublie trop souvent qu'il n'y a pas une, mais plusieurs médecines du travail", commence Alain Dômont et, poursuit-il "quand on regarde la médecine du travail, dans le secteur privé, force est de constater qu'on a réglementé avant de réfléchir." Car selon le Professeur de médecine du travail, il aurait fallu s'interroger : "à quoi sert une intervention médicale dans un milieu professionnel où il y a deux composantes, une composante individuelle et une composante environnementale ?". "Dans les fonctions publiques, la place du médecin de prévention a été pensée par ceux-là même qui allaient inspirer la directive européenne de 1989 sur la prévention des risques professionnels. Aussi, on y retrouve à la fois la cohérence et la clarté qui manque à la médecine du travail de 1946, héritée d'un monde qui n'est plus".
Fonctions publiques : médecins de prévention – médecins agréés
"Dans les fonctions publiques, deux types de médecins collaborent. D'une part ceux en charge d'évaluer les aptitudes (médecins agréés) et d'autre part ceux en charge du suivi médical et qui peut donner un avis sur l'adéquation du poste et de l'individu (médecin de prévention). Cette première distinction est déjà intéressante par rapport au secteur privé.", indique le médecin.
Le médecin agréé ne s'occupe que des fonctionnaires titulaires puisqu'il doit contrôler l'aptitude médicale à la qualité de fonctionnaire. Les médecins de prévention s'occupent de tous les types d'agents. "Le rôle du médecin de prévention est donc de vérifier les capacités médicales d'un individu aux ports de certains EPI, à l'existence ou non de sur-risque médical d'accidents dans certains conditions d'activité, de surveiller l'apparition de maladies professionnelles (pour des risques non maîtrisés) et le cas échéant de proposer une nouvelle affectation de poste ou des aménagements ou compensations."
La fonction publique, en avance sur le privé
"On le redécouvre aujourd'hui mais les bases de l'action pluridisciplinaire en sécurité-santé au travail existaient déjà dans les décrets de 1982 et 1985 relatifs à la SST dans la fonction publique d'Etat et dans la territoriale. Ceux-ci mettaient effectivement en place d'une part des équipes pluridisciplinaires cliniques autour du médecin de prévention (infirmières, psy- etc.) et d'autre part des personnes en charge de l'ergonomie au premier rang desquels on trouvait les ACMO."
L'essentiel, c'est la séparation « clinique / ergonomie »Cette séparation en deux équipes distinctes est essentielle, explique le Pr. Alain Dômont. Car si le médecin trouve naturellement sa place dans la coordination d'une équipe pluridisciplinaire clinique en charge de la promotion de la santé individuelle ou dans la compensation du handicap, il n'a pas forcément vocation à coordonner une équipe pluridisciplinaire d'ergonomie (ingénieur sécurité, ergonomes et autres IPRP) en charge d'une partie souvent technique pour laquelle il n'a pas les connaissances et dont l'action va dépendre étroitement de l'employeur.
La mise en responsabilité des médecins du travail crée de la souffrance
Les textes actuels font du médecin du travail le coordinateur de l'équipe pluridisciplinaire mixte (clinique - ergonomique). "Cette position peut mettre celui-ci dans une position très inconfortable. D'une part, il va être en charge d'un suivi clinique et de la reconnaissance de l'apparition d'une maladie professionnelle et d'autre part il sera en charge de la prévention de celles-ci. Il devient juge et partie. Et le risque pour lui de se voir poursuivi au tribunal augmente d'autant plus", indique Alain Dômont. "Je pense qu'il serait préférable qu'il ne choisisse au mieux qu'une position d'animateur et que les services s'organisent en deux pôles distincts mais travaillant dans le même sens. Le médecin du travail pouvant alors effectivement assurer un lien de communication entre les deux équipes."
Il faut revenir aux principes internationaux de la santé-sécurité
L'OMS et le BIT en 1995, précisent qu'il existe trois volets en matière de santé-sécurité au travail : une dimension clinique, une dimension ergonomique et une dimension managériale. Les deux dernières sont sous la responsabilité directe de l'employeur, même si la partie ergonomique peut être sous-traitée par des acteurs extérieurs. En France, tout cela est mêlé et donne des visions déformées de la prévention et la récente réforme clarifie à peine ces confusions. "A titre d'exemple, en cas de pics de pollution de l'air extérieur, on va préconiser des baisses d'émissions(vitesse limitée, arrêt de certaines activités etc.) ou des mesures conservatoires pour les personnes fragiles (rester enfermer à la maison etc.). Il ne viendrait pas à l'idée du maire de Paris de préconiser comme mesure à la population d'aller faire des tests respiratoires à l'hôpital. Pourtant, dans l'entreprise, il n'est pas rare qu'en cas de pollution de l'air dans un atelier, l'employeur trouve logique de préconiser un suivi médical comme solution au problème..."

Source (Sophie Hoquin, actuEl-HSE)

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