« Stress » : le bon terme pour parler de malaise au travail et agir ?

Posté le 3 juillet 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Quand on parle de « stress au travail », parle-t-on du symptôme ou est-ce une manière d’évoquer la souffrance au travail d’une manière générale ? Auquel cas, « risques psychosociaux (RPS) » est-elle l'expression la plus juste ? Décryptage avec Philippe Douillet, chargé de mission à l'Anact.





Pourquoi parle-t-on souvent de stress au travail ?

« Parce que c'est un mot simple et compréhensible de tous » nous explique Philippe Douillet, responsable du projet Prévention des risques psychosociaux (RPS) à l’Anact : « Il permet de parler d’une multitude de formes de mal-être avec un mot qui résume tout et qui est facile à comprendre. Mais ce mot est ambigu car il évoque à la fois des symptômes et des causes de souffrance. Il reste donc peu opérationnel pour la prévention ».

Le stress n’est pas la seule conséquence des tensions mal vécues au travail, d’autres symptômes peuvent également apparaître, alors…

…Stress ou risques psychosociaux ?

À partir de 2007 environ, est apparue l’expression « risques psychosociaux ». Philippe Douillet explique : « Dans une première période, le stress renvoyait surtout à l’individu. On considérait que si le salarié était stressé, c’était parce qu’il avait du mal à s’adapter, parce qu’il était fragile. On avait donc une approche très individuelle et les solutions de prévention n’apportaient pas de réponse collective ou touchant à la gestion de l’entreprise. Il fallait d’abord que le salarié apprenne à gérer son stress ».

L’Anact, avec d’autres préventeurs, a alors peu à peu impulsé les termes de « risques psychosociaux » afin d’élargir la sphère tant des symptômes que de leur traitement : « On voulait donner une dimension plus collective, un renvoi vers les causes dans l’organisation du travail. L’expression « risques psychosociaux » avec le mot « risque » montrait que c’était d’abord l’organisation du travail qui pouvait générer des risques de mal-être chez les salariés, confrontés individuellement et collectivement à des tensions mal régulées. Par conséquent, c’était elle qui devait être la cible première de la prévention. Le ressenti de mal-être peut, quant à lui, prendre des formes très diverses : psychiques (stress, burn-out, dépression, suicides), physiques (troubles musculosquelettiques, problèmes cardiovasculaires, etc.), ou sociales (conflits dans les équipes, absentéisme, etc..) ».

Peut-on supprimer le stress du travail ?

Dans son dossier web sur les risques psychosociaux, l’Anact parle de « tensions » dans le travail, de « situations-problème ». Afin de réguler les tensions, l’Agence travaille avec les tous les acteurs de l’entreprise pour comprendre les causes de ces situations et développer des processus de régulation.

« On ne peut pas supprimer complètement les tensions entre les différentes exigences de production, de qualité, de santé, que chaque salarié a à gérer. La vie au travail en est remplie. Mais on peut développer des conditions de travail qui permettent de limiter ces tensions et de disposer de moyens pour les résoudre au quotidien. Le travail de l’Anact est d'intervenir sur des situations concrètes de travail. Il consiste à rechercher les facteurs, que l’on appelle « facteurs de contraintes », qui vont aggraver ces tensions et d’aider les acteurs de l’entreprise à trouver les solutions pour les réduire. De l’autre côté, il convient aussi de mettre en valeur et de développer des « facteurs de ressources » qui aident à gérer ces tensions. À ce moment-là, surmonter les tensions en faisant appel aux facteurs de ressources individuels et collectifs dont on dispose, devient un moyen d’avancer et d’apprendre ».

Un exemple de tension dans la relation de service :

« Si je travaille en tant que conseiller clientèle à la banque, au guichet, l’une de mes missions consiste à être au contact des clients afin d’écouter leur demande et d’y répondre. Il y a parfois des clients difficiles, certains peuvent venir énervés ou devenir rapidement agressifs. On ne peut pas enlever toutes ces situations qui font partie du métier, de la relation au contact de personnes. Si les services d’accueil sont en sous-effectif pour gérer les flux de demandes, s’il y a un manque d’information pour le public qui attend, si les salariés à l’accueil sont mal formés, alors les tensions nées de la relation de service risquent de devenir très problématiques. Au contraire, si la formation nécessaire a été apportée, si on a bien organisé l’information du public, la gestion des files d’attente, alors la probabilité de la relations au public, apaisées et bien gérées est plus importante. Cela sera favorable à la qualité du service, à la santé et au développement des compétences des salariés ».

L’objectif est donc de disposer des ressources nécessaires dans l’organisation (formation, organisation, matériel) pour faire face aux situations problématiques et de pouvoir gérer un certain nombre de tensions inhérentes au travail.

Stress et risques psychosociaux, comment gérer ?

Pour prévenir les risques psychosociaux, l’Anact accompagne les acteurs de l’entreprise (direction, CHSCT, représentants du personnel, encadrement, etc.) pour développer des solutions de prévention primaire, avec des actions touchant à l’organisation du travail, au management, aux moyens et environnement de travail, ou encore à la gestion des ressources humaines. Ce processus peut prendre un certain temps. Dans certains cas, les salariés ont besoin d’un recours rapide pour régler leur propre situation de mal-être. À qui peuvent-ils alors s’adresser ?

« On peut recommander plusieurs choses à un salarié. Tout d’abord le recours au médecin du travail à qui on peut parler librement de ses difficultés et auprès de qui on peut rechercher un appui afin de trouver des solutions pour améliorer les conditions de son travail. Deuxièmement, ne pas s’isoler, rester en relation avec ses collègues, avec les représentants du personnel et les membres du CHSCT. À défaut d’un recours possible à ces instances dans l’entreprise, des lieux de soutien existent en dehors de l’entreprise en cas de grandes difficultés (par exemple les consultations « souffrance au travail » dans les CHU) ».

Aujourd'hui, de nombreuses organisations proposent de traiter des symptômes douloureux liés au travail, tel le stress. Un grand nombre propose des techniques de relaxation et de respiration, conseille de boire moins de café, etc. Si ces méthodes peuvent aider ponctuellement les salariés, elles restent néanmoins des techniques agissant sur les conséquences (prévention tertiaire) et non sur les causes (prévention primaire). Elles reviennent à une approche individuelle de gestion du stress, rendant le salarié responsable de sa situation. C'est pourquoi elles ne sont pas suffisantes et doivent être accompagnées d'un travail et d'interventions sur l'organisation du travail, cause profonde des risques psychosociaux (RPS).

En conclusion, le stress est un terme « chapeau » souvent utilisé pour désigner le symptôme d’une forme individuelle de malaise au travail mais également la cause de ce malaise. L’expression de « risques psychosociaux » semble mieux appropriée car elle permet d’insister sur les risques liés à des défauts de régulation de l’organisation du travail pouvant provoquer une souffrance individuelle ou collective. Il est ainsi plus incitateur à la prévention pour l’entreprise.

Source : (anact.fr)

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