Libérons le potentiel humain dans les entreprises

Posté le 8 août 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctNotre pays est dans une situation difficile. La croissance souhaitable pour apurerles excès passés ne peut résulter que d'un meilleur rendement. Nous devonsinvestir dans le capital humain, autrement dit les connaissances, le savoir-faire et les compétences des femmes et des hommes qui travaillent à la réussite de leurs organisations. Les entreprises françaises sous-estiment encore ce potentiel humain qu'elles ont tendance à percevoir surtout comme un coût, le fameux "coût du travail".

En réalité, toute communauté de personnes, quels que soient son niveau d'éducation et son activité, tend naturellement à apprendre, expérimenter et réfléchir, d'où l'envie de vouloir "bien faire". Ce formidable gisement de motivations constitue autant de réserve de productivité pour notre économie.

Les collaborateurs représentent avant tout un "actif" qu'il est temps de mieuxprendre en compte. La marque ou l'image figurent aujourd'hui au bilan des entreprises comme un actif immatériel. Pourquoi ne pas valoriser aussi le savoir-faire et la qualité d'organisation des collaborateurs ? Au vu de mes expériences, j'estime qu'une meilleure motivation des effectifs pourrait augmenter la productivité de notre main-d'oeuvre de 25 %.

Nous sommes entrés dans une période de changement et d'innovation qui appelle à nous renouveler en permanence. En 2010, il y avait dans le monde deux fois plus de chercheurs qu'en 1990. Imaginez que nous réussissions à mobiliser le potentiel d'intelligence, d'interactions, de découvertes et d'engagement de ces personnes qui travaillent ensemble au projet d'une organisation... Tout redevient possible !

Un collaborateur responsable est un salarié qui a trouvé du sens dans son travail et a le goût du travail en équipe : il ne subit pas mais construit au contraire sonavenir. Pourtant, selon l'enquête mondiale Deloitte de juin 2011, seuls 35 % des salariés projettent de rester avec leur employeur actuel, essentiellement parce que les entreprises ne répondent pas suffisamment aux attentes de leurs employés.

Or la confiance fait toute la différence. Cette possibilité de se fier à l'autre laisse place à la créativité. C'est aussi la capacité à aborder la réalité telle qu'elle est, avec ses contraintes, ses difficultés et aussi ses opportunités. En France, notre scolarité fait une large place au "chacun pour soi" au lieu d'apprendre à composeret vivre avec l'autre, alors que dans la vie professionnelle, les interactions avec les autres sont constantes.

Le modèle allemand est plein d'enseignements. Du fait de sa terrible histoire, la société allemande a transposé son intérêt collectif sur celui de l'entreprise, fière d'afficher son "made in Germany". Tous les Allemands – des ouvriers, représentés par les syndicats, aux patrons, en passant par les dirigeants et la classe politique – reconnaissent l'intérêt d'avoir des entreprises aussi performantes que possible.

Aussi, toute décision jugée importante pour l'entreprise doit faire l'objet d'un consensus. La "co-détermination" oblige à impliquer toutes les parties en vue deprendre une décision. Ce puissant fonds culturel a permis à l'Allemagne de mieux résister à la pression des marchés financiers. L'idée que chacun puisse être un élément d'un tout est extraordinairement structurante car elle favorise une vision collective.

Notre devoir de dirigeant est avant tout d'être utile à nos concitoyens. Bien souvent les entreprises sont dirigées sur le modèle d'un chef qui sait tout et impose tout. Cette conception est aujourd'hui inadaptée à l'entreprise, qui a besoin d'agilité, et aux aspirations de ceux qui la constituent.

Dès que le dirigeant accepte l'idée qu'il ne sait pas tout et que chacun sait quelque chose et a envie de bien faire, il peut se consacrer à créer l'écosystème permettant aux femmes et aux hommes de s'unir autour d'un même projet. Le moteur principal de la croissance devient peu à peu la motivation et non plus l'efficacité. L'innovation prend progressivement la place de l'efficacité comme moteur principal de la croissance. Et ce n'est plus seulement la capacité d'exécuter qui est recherchée mais bien le talent de remettre en cause les organisations et l'aptitude à proposer des progrès. Au-delà du charisme individuel, le dirigeant doit faire preuve de conviction et de capacité d'influence : il doit être un pionnier, un éclaireur.

De nouvelles qualités professionnelles sont ainsi valorisées : savoir résoudre des problèmes, avoir de bonnes capacités relationnelles, de la curiosité, une capacité à composer avec une équipe... Ce n'est plus l'homme qui s'adapte à la structure, mais les organisations qui s'adaptent en permanence aux compétences de leurs collaborateurs.

Ainsi, chaque structure est appelée à réaliser tout ou partie d'un produit ou d'un service, dans un mode de gestion collaboratif. La logique de compétence donne sens au travail. Elle met chacun en position de donner le meilleur de lui-même, deprendre des initiatives et de coopérer. L'entreprise améliore durablement ses performances et la vie professionnelle du salarié lui permet de s'épanouir.

Francis Mer, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (de 2002 à 2004)

 

Espace CHSCT, plateforme N°1 d'information CHSCT, édité par son partenaire Travail & Facteur Humain, cabinet spécialisé en expertise CHSCT et formation CHSCT