Lombaction : le réseau qui remet les lombalgiques au travail !

Posté le 7 mars 2013 | Dernière mise à jour le 12 mai 2020

Lombaction : le réseau qui remet les lombalgiques au travail !

 

Depuis maintenant plusieurs années, le réseau régional Lombaction prend en charge, de manière médico-socio-professionnelle, les travailleurs en situation de lombalgie chronique afin de les aider à reprendre le chemin de l'emploi. Un succès : le nombre de jours d'arrêt est divisé par 2. Reste que le système français freine beaucoup la généralisation de ce genre d'initiatives.

Le réseau Lombaction est un réseau régional qui couvre les 4 départements du nord de la région Pays-de-la-Loire. Il fonctionne depuis 2007 mais existe de manière plus ou moins formelle depuis la fin des années 1990, fruit d'expérimentations menées auparavant par l'Aract des Pays-de-la-Loire. Autant dire qu'il a eu le temps de se faire connaître des acteurs locaux et qu'il reste une référence en la matière en France grâce à sa longévité.

Les principes fondateurs de Lombaction

Lombaction s'est construit selon le modèle québécois de Sherbrooke de prise en charge des lombalgies chroniques (voir cet article). Partant du constat que les facteurs de  lombalgies tiennent à la fois à l'individu, au travail, au système socio-économique et technique de soin et de prévention, les dispositifs de prévention et du traitement de la chronicité des lombalgies efficaces associent généralement : un programme de ré-entraînement à l'effort, un programme cognitivo-comportemental et une action en milieu du travail. Sur cette base, le réseau Lombaction a construit une prise en charge originale qui décloisonne les différentes actions : médicales et socioprofessionnelles.

Comment le patient intègre-t-il le réseau ?

"Aujourd'hui le réseau est bien ancré dans la région. Les médecins de ville autant que les médecins du travail nous connaissent et nous adressent des patients", explique Yves Roquelaure, professeur au laboratoire d'ergonomie et d'épidémiologie en santé au travail  (LEEST) du CHU d'Angers. Dès lors, le patient va participer à une consultation pluridisciplinaire. "Il s'agit d'une demi-journée au cours de laquelle il va rencontrer médecins du travail, psychologues, rééducateurs et où il va passer toute une série de tests tant médicaux qu'à connotation psychologique, pour évaluer l'impact de sa lombalgie sur sa vie et ses relations au travail", précise le spécialiste.

Quelle est la suite de la prise en charge ?

"L'équipe se réunit ensuite pour discuter de chacun des cas de la journée - en général 3 à 4 patients par matinée. On met alors en place un programme de rééducation et on lance le processus de retour à l'emploi." Un des avantages du réseau Lombaction est de proposer différentes formules pour la rééducation fonctionnelle : soit en centre hospitalier, soit dans des cabinets de kinésithérapie libéraux adhérents au réseau (la séance est plus longue et rémunérée différemment que les séances de ville habituelle) soit un mixte des deux. "Ce qui compte beaucoup pour les patients c'est à la fois qu'il n'a plus qu'une seule parole médicale, cohérente et harmonieuse et d'autre part c'est qu'il a devant lui un programme coordonné. On sous-estime souvent l'importance de la coordination des soins sur laquelle s'épuisent et se perdent nombre de patients", souligne Yves Roquelaure.

Des résultats concluants

Les résultats chiffrés du réseau sont très positifs et démontrent l'efficacité d'une telle prise en charge. Ainsi entre 2009 et 2011, 713 travailleurs ont été pris en charge, la réduction des arrêts de travail est estimé entre 40 et 50% et les questionnaires révèlent une nette amélioration des paramètres cliniques et de qualité de vie.
On note aussi que les propositions d'aménagement de poste passe de 70% à 56% après rééducation. Après la rééducation, 24% des patients reprennent au même poste sans adaptation, 35% reprennent sur un poste adapté, 12% changent de poste, 10% reprennent sur un mi-temps thérapeutique ou une prolongation de l'arrêt et 9% sont licenciés pour inaptitude - les 12% restant ne reprennent pas pour d'autres raisons (autre pathologie, licenciement pour d'autres causes etc.)

L'action sur le milieu du travail

La consultation pluridisciplinaire permet d'initier le retour à l'emploi dès la prise en charge en proposant une visite de pré-reprise et en commençant l'évaluation des contraintes du retour à l'emploi. Cependant, c'est encore un des points faibles du fonctionnement du réseau affirme Yves Roquelaure "l'inertie de l'action en entreprise est énorme et notre action ne réussit pas toujours à mobiliser l'entreprise qui parfois aurait besoin d'une médiation plus longue et approfondie, notamment auprès des collègues ou de la hiérarchie, comme savent et peuvent le faire les québécois. En outre, le système français est très rigide quant au retour progressif à l'emploi. Là où les québécois peuvent reprendre très progressivement : de quelques heures à quelques demi-journées par semaine, avec un possible retour en arrière, le système français impose des volumes horaires plus importants avec des charges administratives de mise en place très lourde concernant le temps partiel thérapeutique".

Des freins structurels

D'autres réseaux du même type ont été initiés en France, mais beaucoup ont du mal à tenir dans le temps. "La plupart se heurte à des problèmes de financement dus en partie au mille feuille administratif français. Par exemple, nous, nous avons du mal à trouver des financement pour la partie santé au travail, d'autres n'arrivent pas à financer la partie médicale. La stabilité du réseau Lombaction tient au fait que ses activités sont reliées à un laboratoire de recherche - les patients pris en charge servant à alimenter les données sur nos travaux relatifs au maintien dans l'emploi" précise le médecin.

Des freins culturels

Mais ce ne sont pas les seuls freins à la généralisation de ces dispositifs. "Il reste encore des réticences culturelles. Aujourd'hui l'idée de s'adapter ou d'adapter l'organisation pour faire retravailler les gens, n'est toujours pas un concept évident. Ni pour les entreprises, ni pour les travailleurs ! Dans l'entreprise, il faut donc qu'il y ait une volonté pour ça. Et la taille de l'entreprise n'y ait pour rien. On trouve des solutions ou des impasses tant dans des grandes entreprises que chez des artisans. D'autres obstacles existent aussi entre professionnels : faire travailler ensemble médecins de ville et médecins du travail ne va pas de soi. D'autant que ce genre d'initiative prend du temps, non rémunéré pour les médecins de ville. Mais grâce au réseau, ils apprennent à se connaître, à se faire confiance et à communiquer. Aujourd'hui nous avons donc un modèle qui fonctionne, ne reste plus que la question des moyens. Mais je suis optimiste, la réforme de la médecine du travail et d'autres actions en faveur du maintien dans l'emploi vont dans ce sens et devrait à terme faciliter les choses", conclut optimiste Yves Roquelaure.