Peugeot Citroën a annoncé jeudi 12 juillet son intention de supprimer 8 000 postes sur ses sites français face à la dégradation du marché automobile européen, et defermer son usine de production d'Aulnay-sous-Bois en 2014. En plus des 3 000 emplois que représente actuellement l'usine d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), PSA compte supprimer 3 600 emplois de structure - administration, recherche et développement et commerce - par départs volontaires, et 1 400 emplois dans son usine de Rennes (Ille-et-Vilaine).
Dans un communiqué, le constructeur automobile affirme qu'il "s'engage à proposer une solution à son problème d'emploi à chaque salarié d'Aulnay", avançant le chiffre de 1 500 reclassements, "essentiellement à Poissy", et affirme qu'"un nombre comparable de salariés se verrait proposer des postes dans le bassin d'emploi d'Aulnay grâce aux actions de reclassement externe". Le groupe ne donne pas de chiffres détaillés de reclassements internes pour l'usine de Rennes, mais évoque un "redéploiement des effectifs".
Le groupe PSA Peugeot Citroën a par ailleurs annoncé jeudi qu'il avait enregistré une perte nette au premier semestre dont le montant n'a pas été précisé, plombé par les mauvaises performances de sa division automobile. Le constructeur français s'attend à une perte opérationnelle courante de l'ordre de 700 millions d'euros pour sa branche automobile à cause d'une dégration de la conjoncture, selon un communiqué. Il table à présent sur une baisse du marché européen dans son ensemble de 8 % cette année et de 10 % en ce qui le concerne.
Cette décision représente un véritable coup de tonnerre dans l'industrieautomobile hexagonale, où la dernière fermeture de site - Renault Billancourt - remonte à vingt ans. "La fermeture d'Aulnay est anticipée par les marchés, PSA devra fournir un plan détaillé qui ne se contente pas de cette fermeture, mais qui va plus loin", précisait la semaine dernière Philippe Houchois, analyste du secteur chez UBS. L'action du goupe a ouvert en hausse de 1,4 % à la Bourse de Paris.
"LA GUERRE EST DÉCLARÉE"
Après cette annonce, la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, a déclaré sur Europe 1 que l'expert mandaté par l'Etat examinera la situation de PSA Peugeot Citroën pendant 15 jours. "On ne peut pas accepter quelque chose comme ça", a-t-elle déclaré, en soulignant que le groupe avait perçu quatre milliards d'euros d'aides publiques ces dernières années. "Il faut regarder, il faut évaluer, c'est de l'argent qui a été versé sans contrepartie, ce qui n'est pas acceptable", a-t-elle martelé avant d'ajouter : "L'Etat va regarder comment a été menée la stratégie de l'entreprise et ce qui doit être exigé dans l'intérêt des salariés."
De leur côté, les syndicats ont évoqué un "séisme", une "guerre" ; l'usine d'Aulnay est ce matin à l'arrêt, avant une réunion générale cet après-midi. "Je rappelle qu'il y a un an, nos représentants avaient déjà donné cette information. Sans doute que le contexte électoral ne se prêtait pas à la confirmation de ce séisme", a déclaré le responsable de la CGT, Bernard Thibault, sur France Inter. "Dès lors que Peugeot annonce la suppression de 8 000 à 10 000 emplois, il faut multiplier par trois, voire quatre, pour mesurer l'impact en termes d'emploi pour l'ensemble du pays", a indiqué M. Thibault, assurant que la CGT allait "réagir". De son côté, Pierre Confesse (FO) a estimé qu'"il va falloir que le gouvernement fasse un choix quant au maintien d'une industrie viable en France", évoquant notamment le financement des jours chômés.
La CGT de PSA Peugeot Citroën a estimé que la "guerre [était] déclarée", la CFTC du groupe condamnant des décisions "dramatiques". "Nous sommes convaincus que la stratégie de montée en gamme va amplifier les pertes d'emplois en France", a ajouté la CFTC.
"LE PROBLÈME VIENT DES VOLUMES ET DES COÛTS"
Le premier constructeur automobile français souffre depuis l'été dernier d'une chute de ses ventes en Europe, notamment du Sud. Après plusieurs avertissements sur résultats et une perte opérationnelle courante de 92 millions d'euros dans l'automobile en 2011, les analystes s'attendent à ce que l'exercice 2012 se solde par des pertes bien plus lourdes encore.
Le ministre du travail, Michel Sapin, avait dit s'attendre à des annonces "plutôt négatives" mais a assuré que l'Etat serait présent pour "exiger de Peugeot qu'il y ait un vrai dialogue social, une vraie transparence". "Nous ne considérerons pas que ce qui sera annoncé demain par Peugeot est définitif. Cela devra bouger, cela devra évoluer, d'abord par la négociation entre les partenaires sociaux", avait-il dit sur BFM-TV.
Le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, avait auparavant haussé le ton contre la direction de l'entreprise, soulignant qu'elle avait bénéficié d'aides importantes. "La famille Peugeot n'a pas vraiment le choix et va devoir à la fois réduire les dépenses et les capacités", commente pour sa part un analyste du secteur sous couvert d'anonymat. "Le problème vient des volumes et des coûts, les volumes ne sont pas là, mais les coûts si."
Les ventes européennes de PSA ont chuté de 15,2 % au premier semestre, alimentant un désaveu en Bourse qui se traduit depuis le début de l'année par une chute de plus d'un tiers du titre après un recul de près de 60 % déjà en 2011. La capitalisation boursière du deuxième constructeur automobile européen (quelque 2,5 milliards d'euros) a ainsi fondu comme neige au soleil et est aujourd'hui à peine supérieure à celle du fabricant de petit-électroménager Seb.
Pour réduire sa dépendance vis-à-vis d'un marché européen atone, où il réalise encore 61 % de ses ventes, le groupe se développe à marche forcée à l'international, notamment en Chine et en Russie. Mais les difficultés financières de PSA menaçant également cette stratégie, le groupe a été contraint en février de s'allier à l'américain General Motors, ce qui constitue la première entorse au principe d'indépendance que la famille fondatrice a toujours jalousement défendu.
UN BILAN "PAS TRÈS GLORIEUX"
Si PSA est une entreprise privée, le président du directoire, Philippe Varin, fera tout pour rendre ses décisions acceptables aux yeux d'un gouvernement qui reste en embuscade. Dimanche, le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, a prévenu que le gouvernement ne laisserait pas tomber l'industrie automobile. "Nous avons confiance en PSA et nous trouverons les solutions les plus équilibrées et en même temps respectueuses de l'emploi", a-t-il déclaré. Jusqu'ici l'homme du"coup d'avance", le slogan qu'il utilisait constamment à son arrivée à la tête du groupe en 2009, Philippe Varin est devenu aujourd'hui aux yeux des syndicats l'homme de la restructuration.
"Le bilan de M. Varin n'est pas très glorieux", commente Xavier Lellasseux, représentant CFDT chez PSA. "Il ne fait qu'appliquer ce qu'il sait seulement faire, et qu'il a déjà fait chez Corus. Ce n'est pas un capitaine d'industrie comme M. Folz, dont PSA a pourtant besoin." Xavier Lellasseux fait référence à la décennie 1997-2007, dernière grande période de stabilité à la tête du groupe quand Jean-Martin Folz était aux commandes.
Moins mondial que son compatriote Renault-Nissan , PSA cherche sa place sur un marché généraliste écartelé entre le segment "low cost", où Peugeot et Citroën ont toujours refusé d'emboîter le pas à Dacia, et un segment "premium" trusté par les constructeurs allemands. PSA cherche bien à faire monter en gamme ses deux marques - avec notamment la ligne DS de Citroën - mais dispose en matière de tarifs d'une marge de manoeuvre bien plus limitée qu'un concurrent comme Audi, du groupe Volkswagen.
La crise que traverse aujourd'hui PSA n'est pas la première dans l'histoire du groupe. Mais contrairement aux années 1980, quand l'entreprise avait trouvé son salut dans le succès de la Peugeot 205, la tâche est plus ardue pour la dernière née de la famille : la 208, lancée en avril, compte aujourd'hui une trentaine de concurrents, contre une poignée pour la 205.
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