Quand la police va mal...

Posté le 5 octobre 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctUne psychologue du travail analyse les causes des souffrances professionnelles des policiers, critique un "management toxique" et esquisse des solutions.

Le titre est accrocheur, un bandeau rouge sur la couverture présente "une profession au bord de l’explosion" : le lecteur pourrait craindre un ouvrage sensationnaliste. Il s’agit en réalité d’un constat posé et étayé permettant de mieux comprendre le quotidien du métier de policier, l’organisation de cette profession et les enjeux de certains sujets d’actualité comme celui de la politique du chiffre ou, plus récemment, l’abandon par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, du projet de créer des récépissés en cas de contrôle d’identité pour lutter contre "le délit de faciès".

Le déni de la souffrance au travail des policiers

Aujourd’hui psychologue du travail, Nadège Guidou s’est intéressée, dès ses premiers travaux de recherche universitaire, au métier de policier et à la question des souffrances au travail. Elle présente le livre qu’elle publie aujourd’hui comme le fruit des recherches menées pour sa thèse, financée par l’École nationale supérieure de la police (ENSP), sur les risques psychosociaux au sein de la police nationale. On appelle risques psychosociaux "l’ensemble des risques professionnels portant atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés" . Si l’on s’imagine assez aisément que le risque de blessure, voire de mort, fasse partie du métier de policier, que les contraintes d’horaires et l’angoisse pour le conjoint en service compliquent la vie famille, en revanche on imagine moins les souffrances physiques et morales induites par le stress et l’on est frappé d’apprendre qu’au moment où les suicides à France Télécom faisaient la une des journaux, le taux de suicide dans la police était deux fois plus important .

Selon l’auteur, l’absence de couverture médiatique de ces suicides de policiers et plus généralement des souffrances au travail dans la police n’est que le signe d’un déni de l’institution. Celle-ci refuserait de chercher des explications à ces souffrances ailleurs que dans de supposées fragilités individuelles. Mais, plus surprenant au premier abord, ce déni est aussi le fait des policiers eux-mêmes. Dans les professions à risques, nier le danger et la souffrance est en effet le moyen pour les individus de supporter la peur et de souder le groupe. Pour un policier, paradoxalement, reconnaître une souffrance peut donc sembler dangereux à la fois sur le plan individuel et collectif. Le fait que l’ENSP finance une thèse sur la souffrance au travail des policiers est un des signes d’une évolution des mentalités.

Des causes de souffrance inhérentes au métier

En plus des causes de souffrance physique, telles que les blessures, l’exposition à la souffrance des victimes est une des raisons les plus évidentes du malaise des policiers. "Voir un enfant mort, voir un adolescent qui s’est suicidé, voir une famille écrasée par une voiture, procéder à des constatations sur le corps… Tenir la main de quelqu’un coincé dans une voiture et sentir la main se desserrer jusqu’à tomber, alors que ses yeux grands ouverts ne réagissent plus…" Les témoignages cités par Nadège Guidou nous rendent la condition de policier plus concrète. Toutefois, l’exposition à la souffrance n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est davantage, c’est tout d’abord l’augmentation des violences verbales et physiques contre les forces de l’ordre. Face à ces menaces, les policiers adoptent une position d’hyper-vigilance constante dont les conséquences sur la santé physique et psychique peuvent être graves : irritabilité, "boule au ventre", insomnie, crise d’angoisse, voire à long terme, sous l’effet de la fatigue, atteintes aux défenses immunitaires et aux capacités cognitives.

Source (nonfiction.fr)

Titre du livre : Malaise dans la police
Auteur : Nadège Guidou
Éditeur : Eyrolles
Date de publication : 31/05/12
N° ISBN : 2212553110

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