Quand le CE n'a pas été consulté, le règlement intérieur est sans valeur

Posté le 5 octobre 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctLorsque l’employeur n’est pas en mesure de prouver que le CE a bien été consulté, il ne peut se prévaloir ni du règlement intérieur ni des notes de service qui le complètent.
L’affaire se passe dans un grand magasin qui a voulu se prémunir contre les éventuelles indélicatesses des membres du personnel. Dans cette optique, le règlement intérieur et une note de service réglementent les sorties de produits et prétendent soumettre les salariés à des mesures de contrôle (comparaison des tickets avec le contenu des sacs).

N’ayant pas respecté cette procédure, une salariée est licenciée pour faute grave, mesure qu’elle conteste devant les Prud’hommes en soutenant que le règlement intérieur comme la note de service n’avaient pas à être respectés sachant que le CE n’avait été consulté ni sur l’un ni sur l’autre.

LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR : UN DOCUMENT PATRONAL PLACÉ SOUS LA DOUBLE SURVEILLANCE DU CE ET DE L’ADMINISTRATION

Obligatoire dans les entreprises à partir de 20 salariés (C. trav., art. L. 1311-2), le règlement intérieur ne se négocie pas. C’est l’employeur qui prend sa plume pour le rédiger (C. trav., art. L. 1321-1) et le soumet ensuite pour avis au comité d’entreprise et pour contrôle à l’inspection du travail (C. trav., art. L. 1321-4).

La chronologie est claire : rédaction par l’employeur, consultation du CE et du CHSCT en ce qui concerne les dispositions de santé et de sécurité (peu importe dans quel ordre) et transmission à l’inspecteur du travail qui peut demander le retrait ou la modification de toute disposition contraire à la loi, c’est-à-dire :

des clauses qui n’ont pas à figurer dans le règlement parce qu’elles ne visent ni la sécurité ni la discipline ; sont hors sujet, par exemple, le rappel des horaires ou du mode d’organisation du travail, le règlement des acomptes, les obligations en cas de maladie, sauf à traiter ces thèmes sous l’angle disciplinaire (CE, 9 oct. 1987, no 72220) ;
des clauses discriminatoires ou attentatoires aux libertés individuelles ; par exemple, un article interdisant le mariage entre deux salariés de l’entreprise (Cass. soc., 10 juin 1982, no 80-40.929), un article permettant la fouille des vestiaires à l’insu des salariés (CE, 26 nov. 1990, no 96565) ;
des clauses contraires à la loi, comme une clause qui autoriserait les salariés à fumer comme bon leur semble sur les lieux de travail (D. no 2006-1386, 15 nov. 2006) ou encore qui permettrait à l’employeur d’ouvrir le courrier adressé personnellement au salarié contrairement à l’article L. 226-15 du Code pénal.

Il peut également requérir l’ajout des clauses obligatoires telles que l’indication des garanties des salariés en cas de procédure disciplinaire ou le rappel des interdictions de sanctionner les personnes qui se plaignent ou témoignent de faits de harcèlement sexuel ou moral (C. trav., art. L. 1321-2).
Parallèlement, pendant que l’inspecteur du travail procède à la vérification du règlement intérieur, l’employeur affiche ce document dans tous les endroits où il s’applique (agence, établissement distinct) et le dépose au secrétariat-greffe du conseil de prud’hommes (C. trav., art. R. 1321-1).

EXTENSION DE LA PROCÉDURE AUX NOTES DE SERVICE

La même procédure de consultation des IRP, de communication à l’inspecteur du travail et de dépôt au secrétariat-greffe du conseil de prud’hommes s’applique aux notes de service lorsque celles-ci constituent des annexes, des compléments au règlement intérieur, c’est-à-dire lorsqu’elles portent sur les sujets de santé et de sécurité ou sur la discipline (C. trav., art. L. 1321-5).

FORMALISME NON RESPECTÉ : LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR EST INOPPOSABLE AUX SALARIÉS

Lorsque cette procédure n’a pas été respectée, la Cour de cassation est claire : l’inobservation du règlement intérieur ne peut pas être reprochée aux salariés. Elle l’avait déjà dit, il y a longtemps (Cass. soc., 4 juin 1969, no 68-40.377), elle le redit aujourd’hui. Quarante-trois ans après, une piqûre de rappel n’est pas inutile.

L’employeur avait tenté de plaider qu’à supposer que sa carence en matière de consultation soit admise, la sanction prévue par le Code du travail n’était pas celle-là. En effet, la méconnaissance des formalités requises est sanctionnée pénalement. L’employeur qui a édicté un règlement intérieur ou une note de service annexe sans consulter les IRP, sans le ou la soumettre à l’inspection du travail et sans accomplir la démarche de dépôt est passible d’une amende de la 4e classe (C. trav., art. R. 1323-1).

L’employeur ici mis en cause s’imaginait ne pas encourir d’autre sanction que cette amende. Il aurait admis être condamné à la payer (ce que ne saurait faire la chambre sociale qui ne traite pas des sanctions pénales) mais pensait que le paiement de cette amende suffisait à tout régulariser. La condamnation pour licenciement abusif n’était pas, selon lui, la condamnation adéquate. Ce en quoi il se trompait. Les sanctions pénales ne sont jamais exclusives des sanctions civiles. Or, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont des sanctions civiles.

C’EST À L’EMPLOYEUR DE PROUVER QUE LE NÉCESSAIRE A ÉTÉ FAIT

Deuxième apport important de l’arrêt : face à une contestation, c’est à l’employeur de prouver qu’il a accompli les diligences imposées par la loi.
La salariée prétendait, en effet, que le comité d’entreprise n’avait été consulté ni pour le règlement intérieur initial ni pour la note de service qu’on lui reprochait de ne pas avoir observée.

Or l’employeur se révélait incapable de fournir le procès-verbal de la réunion attestant de la consultation. Il n’était même pas capable d’en préciser la date. Tout ce qu’il pouvait produire, c’était le texte même du règlement intérieur comportant la mention « règlement arrêté après avis des instances représentatives du personnel et après communication à l’inspecteur du travail ». Rien ne permettait de corroborer ni de dater les faits contenus dans cette affirmation.

Là encore, l’employeur avait tenté de faire juger que cette mention laissait présumer l’accomplissement de la procédure et que c’était à la salariée de démontrer le contraire.

Mais la Cour de cassation récuse cette argumentation. L’obligation est à la charge de l’employeur, c’est à lui de prouver qu’il s’y est plié.
Il peut le faire par tout moyen : la production du procès-verbal en est un mais des témoignages des élus ou autres membres du comité d’entreprise de l’époque auraient certainement aussi convenu. Là, très clairement, il n’avait rien d’autre à proposer que la phrase du règlement intérieur, écrite par... lui, l’employeur.

UNE DÉCISION QUI TÉMOIGNE DE L’IMPORTANCE DU RÔLE DU CE EN MATIÈRE DE RÈGLEMENT INTÉRIEUR

Comment ne pas approuver cette décision ? Il est évident, à partir du moment où le règlement intérieur est un document établi unilatéralement par l’employeur, que la consultation du CE préalable à sa mise en application, est, pour le personnel, une garantie essentielle du caractère raisonnable et mesuré du règlement intérieur.

La vérification de l’inspecteur du travail en est une autre mais elle se limite à la vérification de la légalité.
Le comité d’entreprise, lui, dispose d’un pouvoir d’influence. Il peut essayer d’éviter des mesures qui, tout en étant légales, ne lui paraissent pas opportunes.

Si l’on prend, par exemple, le cas des opérations de contrôle qu’avait mises en place le grand magasin impliqué dans l’affaire, elles ne semblaient pas, en soi, excessives ou inappropriées mais le CE aurait pu demander que les contrôles aient lieu en présence de témoins ou demander la mise en place d’une commission permettant au salarié de s’expliquer ou évoquer toute autre idée allant dans le sens d’une justice moins expéditive.
À partir d’un exemple concret comme celui-là, on comprend bien pourquoi l’absence de consultation du CE fait perdre toute valeur au règlement intérieur et/ou aux notes de service qui le complètent.

Source (wk-rh.fr)

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