Décryptage des incidences de la loi sur le fonctionnement des conseils d'administration et sur la présence de salariés aux délibérations.
Introduction
Le Sénat a adopté, avec amendements, le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi par 173 voix contre 24, ce qui donne lieu à la mise en place d'une commission mixte paritaire en raison du déclenchement de la procédure accélérée. Transcrivant assez fidèlement l'Accord national interprofessionnel signé le 11 janvier dernier par trois des cinq organisations syndicales représentatives de salariés (CFDT, CFTC, CFE-CGC) et les trois organisations d'employeurs (Medef, CGPME, UPA), le projet de loi permettra :
- d'instaurer de nouveaux droits individuels et collectifs pour les salariés ;
- de faciliter l'accès à l'emploi et lutter contre la précarité au travail ;
- de favoriser le maintien dans l'emploi et encadrer les procédures de licenciement économique.
Toutefois, comme le souligne LaTribune, plusieurs modifications importantes ont été votées, dont un amendement UMP soutenu par le Medef, qui supprime la clause de désignation permettant aux partenaires sociaux de désigner l'organisme assureur qui prendra en charge la complémentaire santé (dont la généralisation est prévue pour tous les salariés).
Il reviendra à la commission mixte paritaire de statuer sur ce point et éventuellement, de restaurer la version originale du texte.
Par ailleurs, la réforme renforce les droits de participation et d'information des salariés dans les sociétés possédant un Conseil d'administration. La réforme n'entrera cependant pas en vigueur immédiatement. Un délai de 26 mois à compter de la publication de la loi, est prévu.
Explications !
Incidences de la loi sur le fonctionnement des conseils d'administration
Les entreprises concernées par la réforme
L'ANI instaure la présence de salariés dans l'organe de gouvernance à la tête de la stratégie de l'entreprise. L'article 5 du projet de loi prévoit, à l'article L225-27 du Code de commerce, l'obligation de prévoir des représentants des salariés dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes ou en commandite par actions, dès lors que l'entreprise a son siège social en France et qu'elle emploi au moins 5.000 salariés (ou 10.000 salariés s'il s'agit d'une société ayant des intérêts à l'étranger).
Dès lors, seront tenues à cette obligation les entreprises qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5.000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français ou au moins 10.000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger, et qui ont pour obligation de mettre en place un comité d'entreprise.
Le conseil d'administration devra comprendre, outre les administrateurs dont le nombre et le mode de désignation sont prévus aux articles L225-17 et L225-18 du Code de commerce, des administrateurs représentant les salariés disposant d'une véritable voix délibérative, à l'instar de ce qui est prévu pour les représentants des salariés élus en vertu de l'article L225-27 du Code de Commerce.
Toutefois, cette obligation ne s'applique pas lorsqu'une société est la filiale directe ou indirecte d'une société elle-même soumise à l'obligation. Dans ce cas, la société mère pourra très bien fait entrer au conseil d'administration des salariés de ses filiales qui sont intéressés aux résultats de l'entreprise (en détenant des stock options, par exemple).
En revanche, si cette société n'est pas soumise à l'obligation mais que ses filiales répondent aux conditions, cette obligation s'appliquera aux filiales.
Règles de participation des salariés au conseil d'administration
A ce jour, la participation des salariés aux conseils d'administration est déjà admise :
- lorsque la loi prévoit que les salariés d'une entreprise peuvent siéger, en tant que représentants du comité d'entreprise avec voix consultative, au conseil d'administration ou au conseil de surveillance (article L2323-62 du Code du travail) ;
- pour les salariés représentants élus par le personnel de la société avec voix délibérative, ce qui est obligatoire pour les sociétés anonymes du secteur public et pour les sociétés privatisées (articles L225-27 et L225-79 du Code de Commerce)
- pour les salariés qui détiennent au moins 3% du capital social, il devient obligatoire de convoquer une assemblée générale afin de soumettre une résolution prévoyant l'élection d'administrateurs représentant les salariés (article L225-180 du Code de commerce).
Ces dispositifs étant facultatifs dans les entreprises, la loi renforce l'accès des salariés aux informations stratégiques de l'entreprise, en instaurant un nouveau régime obligatoire.
Combien de représentants siégeront ?
Le nombre de représentants des salariés sera égal à 2 dans les entreprises dont le nombre d'administrateurs est supérieur à 12, et à au moins 1 dans les entreprises où ce chiffre est égal ou inférieur à 12.
Toutefois, les sociétés dont le conseil d'administration comprend un ou plusieurs membres désignés en qualité de représentants élus par les salariés ne seront pas tenues à cette obligation, si le nombre de représentants déjà présents est égal au nombre prévu ci-dessus (article L225-79-1 du Code de commerce).
En revanche, si le nombre de représentants est inférieur, les dispositions de la loi seront applicables à l'expiration du mandat en cours des membres du conseil de surveillance représentant les salariés, élus ou désignés.
Règles de désignation des salariés
Pour siéger dans le conseil d'administration, l'article L225-28 du Code de commerce modifié prévoit que le représentant des salariés devra détenir un contrat de travail avec la société ou l'une de ses filiales antérieur de deux années à la désignation en qualité de représentant et correspondant à un emploi effectif.
Tout salarié employé depuis plus de 3 mois sera électeur à bulletin secret. Chaque organisation syndicale représentative présentera deux candidats si un seul siège est à pourvoir ou une liste de quatre candidats s'il faut élire deux personnes, afin que chacun des élus ait un remplaçant.
Dans le premier cas, les règles du scrutin majoritaire s'appliquent (c'est-à-dire l'élection à la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour et à la majorité relative au second). Dans le second cas, ce sont les règles du scrutin proportionnel au plus fort reste et sans panachage qui s'appliquent (en cas d'égalité, c'est à l'ancienneté du contrat de travail que seront déclarés les élus).
Il existera 4 modalités de désignation de ces représentants :
- l'élection par les salariés du périmètre considéré sur le territoire français,
- la désignation par l'institution représentative du personnel la plus élevée du même périmètre,
- la désignation par l'organisation ou les deux organisations arrivées en tête des élections professionnelles sur le même périmètre,
- ou la désignation par le comité d'entreprise européen pour l'un des deux représentants et l'une des trois précédentes modalités pour l'autre.
Source (net-iris.fr)
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