Risques psychosociaux : des diagnostics "douloureux" mais constructifs

Posté le 2 décembre 2014 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

Se lancer dans une action globale pour la prévention des risques psychosociaux dans une entreprise n'est pas chose aisée, car les conclusions du nécessaire diagnostic peuvent être dures à entendre pour les managers et dirigeants.

Pourtant, certains se jettent à l'eau, souvent face à des problèmes d'absentéisme ou de turn-over. Trois entreprises racontent leur expérience.

Il n'est pas toujours évident de témoigner des actions menées dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux (RPS). Tout simplement parce que ce témoignage nécessite d'exposer les difficultés rencontrées au sein même de sa société. Trois entreprises ont pourtant accepté de partager leurs expériences lors d'un colloque organisé le 6 novembre par la Direccte Rhône-Alpes. Plus de 600 personnes étaient réunies autour du lien entre risques psychosociaux et performance de l'entreprise, avec une question : "comment agir ?".


Des managers pointés du doigt

Parmi elles, Lustucru Frais, 436 salariés. Il y a quelques mois, la société s'est retrouvée confrontée à une démobilisation de ses préparateurs de commandes. S'en sont suivies une baisse de la productivité et une diminution de la solidarité entre les salariés. "Nous avons entamé des démarches car nous ne voyions pas comment nous pouvions nous sortir de cette situation difficile", décrit Pierre Callet, directeur. "Nous nous sentions démunis." Avec l'aide de la Carsat, une évaluation des RPS a été réalisée, des réunions avec l'ensemble des collaborateurs organisées, afin de "comprendre les causes de la crise", précise Pierre Callet. "Et les résultats ont été rudes pour le management." Les résultats digérés, l'équipe dirigeante s'est lancée dans un travail de fond, en "jouant collectif" pour "sortir de la spirale négative", ce qui les a amené à travailler sur leur manière d'animer et de communiquer.

Des cas individuels au plan d'ensemble

Chez Ugitech, société de 1225 salariés, "le service de santé s'est toujours beaucoup impliqué dans la santé mentale, mais en traitant plutôt des cas individuels", introduit Patrick Le Tanno, médecin du travail de la société. Plus récemment, le service s'est engagé dans une démarche de prévention, un "plan d'ensemble, pour proposer des actions dans la durée". Il a mis en place un comité de pilotage des RPS et un diagnostic collectif a été réalisé. Le service logistique a été l'un des premiers impliqués. Le diagnostic, qui s'est traduit par un plan d'amélioration proposé au CHSCT, a notamment mis en lumière "le manque d'autonomie pour certains salariés", présente Stéphane Jardiau, manager dans le service.

Stratégie d'entreprise "mieux partagée"

Finalement, 13 axes de travail ont été proposés, ce qui a permis une "sensibilisation importante" et "l'implication des managers", résume Patrick Le Tanno. "Chaque salarié doit savoir vers qui se retourner en cas de difficultés. Il faut que sa parole soit portée et qu'une solution soit élaborée", ajoute-il. Le diagnostic a été établi il y a maintenant deux ans. Des actions "rapides et concrètes" ont été menées, sur l'ergonomie du poste de travail par exemple. "Nous avons aussi changé l'organisation pour rapprocher les managers du terrain. Aujourd'hui, le dialogue s'est amélioré. Les objectifs sont plus clairs et la stratégie est mieux partagée", assure Stéphane Jardiau.

Surcharges de travail à des postes clés

Plialu est une PME de 14 salariés qui se porte bien… mais avec de nombreux arrêts de travail et un turn-over important. "Une réelle crise de confiance s'était installée entre les salariés et nous", confie Cathy Bax, adjointe de direction : "les salariés estimaient que la direction n'était plus à l'écoute des difficultés rencontrées. La situation était intenable. Nous avions besoin de l'intervention d'un tiers pour nous en sortir". Un consultant, Jean-Max Ducousso (Ariskan), est arrivé. En retraçant l'historique de la société, son développement et l'exigence de ses clients, il a détecté une surcharge de travail dans des zones clé, par exemple.

Douloureuses conclusions

Dans un deuxième temps, via un questionnaire, les collaborateurs ont clairement exprimé des difficultés. "Il nous a été difficile de lire les conclusions. En entamant ce genre de démarches, nous savions qu'à un moment ou un autre nous aurions des choses difficiles à entendre... mais ce moment est vraiment douloureux", raconte, encore émue, Cathy Bax. Malgré les difficultés et les remises en cause nécessaires, le processus a continué et un plan d'amélioration s'est mis en place. Jean-Max Ducousso plaide pour "des actions simples et visibles", "des espaces d'échanges". Et Cathy Bax se félicite autant de "la confiance, la proximité et le dialogue" retrouvés que de l'impact sur l'ambiance de travail. "Et sur notre performance. Quand le personnel n'est pas engagé, rien n'avance. Aujourd'hui, même si tout n'est pas réglé, le turn-over est moins important et je vends bien mieux mon entreprise à d'éventuels nouveaux collaborateurs."

Source : (actuel-hse.fr)

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