Salariés homosexuels : vers quelle reconnaissance ?

Posté le 31 octobre 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

chsctLe gouvernement, qui vient de proposer la reconnaissance d’un congé de parentalité ouvert aux salariés homosexuels et planche sur le mariage gay, pourra-t-il compter sur la bonne volonté des entreprises ? Très peu semblent prêtes à s’emparer du sujet. Et côté salariés, la crainte de dévoiler son orientation sexuelle demeure.

Dans les prochains mois, Caroline* va franchir le cap : cette salariée de SFR, dont la compagne est enceinte, a demandé à prendre ses onze jours de “congé de parentalité” pour la naissance de leur enfant. Principale revendication d’HomoSFèRe, l’association LGTB (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) créée en 2009, SFR a lancé le 1er septembre 2012 un congé de parentalité pour les salariés homosexuels lors de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, financé par l’entreprise.
Un dispositif susceptible de faire des émules ? Tout porte à le croire. En amont du projet de loi sur le mariage homosexuel – présenté le 7 novembre 2012 en Conseil des ministres –, le gouvernement prépare le terrain. Vendredi 26 octobre, dans le cadre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale de 2013, l’Assemblée nationale a adopté un amendement élargissant les onze jours de congé de paternité au “congé d’accueil à l’enfant”, accessible aux couples homosexuels (1). Si le texte est voté par le Sénat en décembre, le congé de parentalité pour les salariés homosexuels, financé par la Sécurité sociale, entrera dans le Code du travail. Une décision qui obligera les entreprises à l’intégrer dans leur politique sociale.



Agir sur l’homophobie en entreprise



En avance sur la législation, une dizaine d’entreprises auraient déjà créé un congé de parentalité “maison” destiné aux salariés homosexuels, d’après l’association Homoboulot, réseau d’associations et de salariés LGTB des entreprises et des administrations. Très souvent sous la pression d’associations, comme chez SFR, ou dans le cadre d’un engagement poussé en matière de politique de diversité, comme pour Randstad. “En tant qu’intermédiaire du recrutement, la question de la non-discrimination, y compris en termes d’orientation sexuelle, est fondamentale. Le regard de la société sur les homosexuels change. On se doit d’accompagner cette évolution”, explique Aline Crépin, directrice de la RSE du groupe. Chez Randstad, le congé de parentalité existe depuis décembre 2011, dans le cadre d’un accord sur l’égalité hommes-femmes.
Un exemple encore rare. Car la question de l’égalité des droits des salariés homosexuels ne passionne guère les DRH, pointe le Défenseur des droits. L’instance en veut pour preuve les résultats de sa dernière enquête menée auprès des entreprises (2). Outre un très faible retour (15 % de taux de réponse), seules 18 ont aligné les congés parentaux entre salariés hétéros et homosexuels. “Il y a encore des réticences de la part des entreprises à ouvrir de nouveaux droits aux homosexuels. Certaines ne veulent pas entendre parler des problèmes d’homophobie que subissent ces salariés. Or, c’est sur ce point qu’il faut agir. Sinon, qui osera aller demander un congé de parentalité ?” questionne Jérôme Beaugé.



Parler de son projet d’enfant ?

Pas si simple.

Impossible en effet de demander un congé de parentalité sans justifier de l’identité du conjoint auprès des RH. Ni de prévenir sa hiérarchie de son absence. Un dévoilement qui peut poser problème. Chez SFR, Caroline a eu de la chance : sa demande s’est bien passée. Malgré tout, “ça n’a pas été simple d’annoncer à ma chef que ma compagne était enceinte. Cela l’a surprise et un peu choquée. Je ne subis pas de rumeurs malveillantes, mais je sais que les gens parlent beaucoup de mon cas dans l’entreprise. Quelque part, je me sens fichée.” Caroline n’est pas la seule à avoir le sentiment de s’exposer en affichant son homosexualité.
Un “coming out” préjudiciable. Toujours selon le Défenseur des droits (3), dévoiler son orientation sexuelle en entreprise ne serait pas sans conséquence : 39 % des salariés estiment qu’afficher son homosexualité peut nuire à la carrière de la personne. Que dire alors si elle annonce publiquement son statut de futur parent ? “Cela peut mettre des gens en difficulté dans leur travail”, reconnaît Laurent Depond, directeur de la diversité chez France Télécom-Orange, qui réfléchit à harmoniser l’ensemble des congés (parentalité, maladie d’un enfant) entre salariés hétéros et homosexuels. “Il y a des managers ouverts, d’autres farouchement allergiques à l’homosexualité.”



La formation ? “Une goutte d’eau dans l’océan”



Comment agir pour changer les mœurs ? Dans les entreprises, la réponse passe par la case formation. “Cela ne sert à rien de créer un congé de parentalité sans sensibiliser les managers aux stéréotypes associés à l’homosexualité”, soutient Aline Crépin. Outre une charte interne rappelant l’interdiction de tenir des propos homophobes, Randstad a ainsi entrepris, comme SFR ou France-Télécom Orange, de former ses managers à la lutte contre les discriminations, y compris sur l’orientation sexuelle. Suffisant pour créer de la confiance ? “On est en bout de chaîne. Nos formations sont une goutte d’eau ! Il faut que les mentalités sur les schémas parentaux évoluent dans la société”, affirme Laurent Depond.
Un changement qui prendra du temps, malgré les avancées politiques qui s’annoncent. Si Caroline ne se sent pas placardisée depuis l’annonce de la naissance d’un enfant avec sa conjointe, elle reste prudente : “Je ne sais pas si ma décision va jouer sur ma future mobilité. A priori non. Mais dans un futur poste, je dirai sans doute que je suis maman, sans entrer dans les détails.” Une discrétion qui en dit long sur le chemin qui reste à parcourir.

Source (pourseformer.fr)

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