Soupçon de travail dissimulé à la Poste

Posté le 25 juin 2012 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

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L’inspection du travail a constaté de nombreux cas de travail dissimulé liés au mode de calcul des heures supplémentaires des facteurs. La justice est saisie

La Poste fait-elle dans le « travail dissimulé »? C’est en tout cas l’expression utilisée par les inspecteurs du travail dans de multiples procès-verbaux dressés au cours des trois dernières années. Et plusieurs de ces documents — dont notre journal a obtenu copie — ont des suites judiciaires. Ainsi, le tribunal de police de Lyon se penchera le 2 juillet sur un procès-verbal concernant l’organisation de la distribution du courrier à Saint- Symphorien-d’Ozon (Rhône). 

Autre exemple, à Saintes (Charente-Maritime), le syndicat SUD s’est porté partie civile en avril dernier dans une affaire du même type. Plus grave, une information judiciaire pour « travail dissimulé » a été ouverte en 2010 par le parquet de Besançon. Au cœur des litiges entre la Poste et ses employés : les heures supplémentaires réalisées par les facteurs qui n’ont pas le statut de fonctionnaire. Plus précisément, ce sont des oublis répétés dans le décompte de ces heures supplémentaires qui interpellent les inspecteurs du travail. Mal reportées sur les plannings, celles-ci ne seraient pas toujours payées.

Horaire théorique contre horaire réel

La Poste, une entreprise publique détenue à 100% par l’Etat, construit les journées de travail en fonction d’horaires dits « collectifs ». En clair, ce sont les mêmes pour tous les facteurs. Par exemple, à Saint-Symphorien, près de Lyon, tous sont censés débuter leur journée à 6h30 et l’achever à 13h4. Leurs circuits (à pied, à vélo ou en voiture) sont déterminés de manière à pouvoir être respectés à la minute près. Pour une multitude de raisons (intempéries, problème de découpage de secteur, méconnaissance de la tournée…), la tournée peut prendre plus de temps que prévu. « Parfois les facteurs dépassent l’horaire collectif, le temps de travail peut fluctuer », admettent ainsi des membres de la direction des ressources humaines de l’entreprise dans un des PV dressés par les inspecteurs du travail. Le hic, c’est que, si le facteur déborde des horaires prévus, ces minutes (voire ces heures) de travail supplémentaire ne sont pas systématiquement reportées sur les plannings. « Les feuilles de présence n’enregistrent pas la durée réellement travaillée », constatent ainsi les inspecteurs du travail, selon qui la Poste peut tomber sous le coup de délit de « dissimulation partielle de salarié ».

Contactée par notre journal, la direction de la Poste relativise l’impact de ces problèmes d’organisation du travail. « Compte tenu du découpage très fin des tournées, les dépassements constatés constituent l’exception, et non la règle », se défend-elle. Qui plus est, « en cas de constat d’heures supplémentaires, celles-ci donnent lieu à une rémunération ou à un repos ».

A l’heure actuelle, rappelle-t-on au siège, l’entreprise publique n’a « jamais été condamnée par la justice pour du travail dissimulé ». Qu’arriverait-il si l’entreprise publique venait à essuyer un premier revers à la suite de l’audience du 2 juillet à Lyon? Pour Me Roger Potin, avocat au barreau de Brest et défenseur des salariés, « ça ne ferait pas jurisprudence en tant que telle. Mais une première condamnation aurait valeur d’exemple ». L’enjeu est donc crucial. Pour les salariés comme pour la direction.

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