Vincent Caron, avocat associé du cabinet Fidal et directeur du pôle santé sécurité, attire l'attention des DRH sur la formation des managers dont le comportement est souvent à l'origine des situations de harcèlement.
En matière de risques psychosociaux et de harcèlement, les entreprises ont-elles pris la mesure de leur obligation de sécurité ?
Pas véritablement. L'obligation de sécurité commande aux entreprises de prévenir les risques et donc d'agir sur les facteurs de RPS, dont certains sont en lien avec l'organisation du travail. Les entreprises ne peuvent pas exclusivement limiter leur action à la gestion des situations critiques sur lesquelles elles ont été alertées. Les risques psychosociaux doivent à cet égard être traités comme n'importe quel autre risque. Les principes généraux de prévention s'appliquent de la même façon. L'entreprise doit évaluer ce risque, transcrire les résultats de cette évaluation dans son document unique et bâtir un plan d'action, qui prend en compte la formation des managers, l'organisation du travail, la charge de travail des équipes... Lors d'un litige, l'entreprise doit être en mesure de prouver qu'elle n'a pas été défaillante sur chacun de ces points. Or, l'immense majorité des DU des entreprises ne prend pas en compte les RPS. Ce défaut d'évaluation est souvent relevé par les juges pour retenir la faute inexcusable de l'entreprise.
La formation des managers est-elle essentielle ?
Oui elle est d'autant plus que la plupart des situations de harcèlement résultent de maladresses managériales. Il appartient à l'employeur de former l'encadrement, afin de lui expliquer ce qui relève du harcèlement moral et de l'exigence légitime de la hiérarchie mais également de l'aider à repérer les signaux faibles dans les équipes. Dans un arrêt du 29 janvier 2013, la Cour de cassation a requalifié en simple cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave d'un manager qui avait harcelé ses troupes car "l'employeur ne l'avait pas sensibilisé à la difficulté d'exercice de ses fonctions". Cet arrêt souligne qu'il est fondamental de sensibiliser les managers sur les RPS.
Les entreprises ont le sentiment d'être condamnées quoiqu'elles fassent ?
Elles le sont car elles ne disposent pas d'une politique de prévention cohérente ou alors très parcellaire. Elles doivent s'attacher à des choses concrètes et ne pas se contenter de numéros verts pour les salariés en détresse. L'évaluation des risques, la formation des managers, l'information des salariés sur ce qu'est objectivement le harcèlement moral sont des étapes essentielles. L'entreprise doit en particulier informer les salariés sur les relais et les acteurs vers lesquels ils peuvent s'adresser en cas de souffrance ou mal être au travail. Bon nombre de situations dérapent parce qu'elles n'ont pas été repérées suffisamment en amont. Je reste persuadé qu'une entreprise qui mène ces actions limite le risque d'une condamnation.
Vous insistez sur un point : la charge de travail ?
Elle est l'un des facteurs d'apparition du stress. La Cour de cassation a déjà reconnu la faute inexcusable d'un employeur reconnu responsable de l'infarctus de l'un de ses salariés à cause d'une surcharge de travail (arrêt du 8 novembre 2012). De la même façon, si la surcharge de travail est à l'origine de l'absence pour maladie du salarié, l'employeur ne pourra pas s'en prévaloir pour licencier l'intéressé pour absences prolongées ou répétées. Enfin la cour d'appel de Paris est allée plus loin dans son arrêt rendu le 13 décembre dernier. Elle a suspendu le plan de réorganisation de la Fnac au motif que l'entreprise n'avait pas suffisamment évalué les risques psychosociaux générés par une surcharge de travail.
Source (actuel-rh.fr)
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