Stress numérique au travail : 3 priorités pour bien vivre l'hyperconnexion

Posté le 14 juin 2016 | Dernière mise à jour le 13 mars 2020

 

LE PLUS. L’hyperconnexion est multidimensionnelle : QVT, organisation, management et santé. Mais son cœur se situe bien dans nos comportements : pratiques, habitudes et réflexes efficients… ou déficients et risqués. Comprendre l’hyperconnexion, proposer un référent et savoir-inciter aux bons usages, sont les trois priorités de la Qualité de Vie au Travail numérique, indique Thierry Le Fur.

Nous serons connectés 100 000 à 300 000 heures dans notre vie. Le stress numérique (e-mail, smartphone) concerne un salarié connecté sur trois. Heureusement les deux autres tiers vont bien… mais ils ne comprennent pas les premiers : dialoguer s’impose.

Entre comportements efficients et usages déficients ou à risques, plus de 30% de la masse salariale des collaborateurs connectés se joue :

1. L'exemple individuel : déconcentration, oublis, perte des priorités, ‘’brouillard mental’’, épuisement, etc.

2. L'exemple collectif : erreurs, accidents, contentieux (15 millions pour 450 recours de salariés dans une SSII), pénal (travail dissimulé, burn-out) et image dégradée. La facture de l’usage digital abusif explose.

Comprendre : éducation aux pratiques numériques

Le smartphone est très efficace, mais si attractif que nous en oublions notre vrai outil de travail : le cerveau !

L’hyperconnexion est l’injonction de connexion 24/24 H et d’immédiateté, déconcentrante et usante. C’est aussi l’illusion du multitâche (ex. regarder à l’écran cinq fenêtres, tweeter et téléphoner simultanément). Illusion ? Notre cerveau ne sait pas faire du vrai multitâches.

Les PhD et Prs Stéphane Amato et Eric Boutin précisent que ce "type de fonctionnement mental aggrave les erreurs de jugement". Ainsi, le saviez-vous ? L’estimation du Pr David E. Meyer est valide : "les multitaskers […] passent 50 % plus de temps sur ces tâches que s’ils les accomplissaient séparément, l’une après l’autre" (David E. Meyer, Professeur de psychologie à l’Université du Michigan).

Connaissez-vous l'empan mnésique ou la mémoire de travail par exemple ? Avant l’hyperconnexion ces savoirs du couple cerveau-numérique étaient inutiles : enseignés à l’EMLV, ils font désormais partie du kit de survie du manager. Etre performant et fiable, par des pratiques pertinentes devient urgent.

Organiser : un fédérateur éclairé

Avec le numérique, nos comportements sont intimement liés à l’organisation du travail. A quel acteur confié ce sujet-clé ?

Un DRH est confronté à de multiples priorités et le numérique implique des compétences très variées : connaissance des mécanismes du cerveau "3.0", santé mentale et physique, systèmes d’informations généraux et outils personnels, management général et de proximité, juridique et compliance, communication. Cela explique la difficulté de sa prise en compte, malgré les enjeux.

Pour traiter le sujet, créons un "référent vie numérique" (dédié, missionné ou délégué). Il devra d’abord établir un référentiel de connaissances fiables, car le numérique génère trop d’idées reçues (efficacité, santé mental). Sur des bases saines, il invitera à partager et libérer la parole, servira de fil conducteur pour se comprendre. Les parties prenantes souvent "acronymées" sont si nombreuses : DG, DRH, DAS, DRSE, DSI, DC, DAF et compliance ou CHSCT, SST, QHSE, IRP et médiateur.

Certes cela ne s’improvise pas. Mais formé, accompagné, "outillé" et éclairé sur les priorités par un expert, il peut engager des actions : apporter des repères et un essentiel des usages numériques, apprendre à dialoguer au sein de chaque équipe, inciter à adopter de bonnes pratiques par exemple.

Inciter : la clé est la motivation !

Par-delà les solutions pertinentes et opérantes, "la clé de ce domaine est de savoir inciter chacun à agir" indique Didier Morfoisse DRH de grands groupes et Président de l’Association Nationale des Médiateurs. Pour tout comportement humain, le changement doit être motivé : prenons trois exemples.

1. Des outils ludiques ou "parlez-moi de moi il n’y a que ça qui m’intéresse" : le premier outil d’autoprofilage du numérique au travail apparaît (test en ligne de nos "digicomportements©" au travail à venir). Il invite à s’interroger et à discerner bénéfices et risques digitaux : l’écran, ce trop agréable refuge, nous permet de nous concentrer ou nous isole-t’il ? L’isolement est un des risques majeurs du digital : de l’excès de travail (burn-out) à l’inoccupation cachée (bore-out), harcelé silencieux ou parfois tyran involontaire.

2. Une éducation au numérique (conférences, outils en ligne quizz/atelier, overview). Déconcentration, insomnie, procrastination, tweets compulsifs dangereux professionnellement : il est toujours un point qui nous interpelle. Saviez-vous par exemple qu’un surpoids peut provenir des écrans LED !

3. Une communication attractive. Face à ce numérique si séduisant, n’hésitons pas ! Le pertinent rapport du Centre d’Analyse Stratégique de 2012 a posé les bases (reprises en 2015 dans le rapport Mettling). Depuis, l’hyperconnexion a explosé.

2016 : l’OCDE affirme que "les piliers de l’apprentissage sont les émotions et la motivation". L’attrait suscité par la QVT s’inscrit dans ces besoins, profitons-en : qualité de vie et qualité du travail sonnent "positifs", on pourrait même s’inscrire dans une "E-QVT" !

Un autre terme apparaît : digital détox. Il est attractif et fondé. Stress chronique et cortisol pathogène,insomnies accumulatrices de toxines, immobilisme (on ne bouge plus) : les toxines nous envahissent, vive la détox ! Ce terme se clarifie (ex. objectif : hyperconnexion ou addiction numérique), s’adapte (séminaire de digital détox ou programme) et sait s’inscrire dans des actions engagées (ex. mindfulness).

Certes, cette offre est nouvelle et soyons vigilants sur l’expertise des offrants. Mais sur le fond, même une entreprise du Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) a nommé un directeur de la Digital Détox !

Par Thierry Le Furhttp://leplus.nouvelobs.com/ (lire l’article origilnal)