Qui n’a jamais imaginé pouvoir travailler de chez soi, pour son employeur, sans se déplacer et tout en étant rémunéré ?
En pantoufles ou en robe de chambre, plus besoin de la voiture pour se rendre sur son lieu de travail puisqu’il se trouve désormais à la maison, dans un coin du salon ou dans un petit bureau aménagé à cet effet.
Seuls seront de rigueur un contrat de travail, bien sûr, prévoyant cette spécificité, la concentration et la présence intellectuelle mais surtout l’utilisation d’un ordinateur connecté à Internet.Tout ceci est aujourd’hui possible, grâce au Télétravail.
Oui, le Télétravail est « le travail de demain » où les technologies de l’information et de la communication deviennent nos véritables alliées, remplaçants même la présence de nos collègues et supérieurs, bouleversants des rituelles qui parfois ne cessent de nous lasser…elles prennent tout leur sens pour nous permettre de joindre finalement l’utile à l’agréable : travailler de chez soi, à distance et gagner du temps.
A l’origine de cette révolution une Loi : la Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.
Cette Loi s’est inspirée en partie de l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005, qui résulte d’un long travail de négociation au niveau européen entre les célèbres partenaires sociaux (MEDEF, CGPME, UPA et 5 confédérations syndicales représentatives de salariés).
En réalité, cet accord national permettait déjà la possibilité de faire appel au Télétravail, étendu à toutes les entreprises françaises par arrêté en 2006, il n’a pourtant pas suffit à développer ce mode d’organisation : en France, en 2011, seuls 9% des salariés étaient des télétravailleurs.
C’est la raison pour laquelle le Législateur a décidé de fournir de véritables bases légales au Télétravail, par cette loi du 22 mars 2012, il l’officialise et en fait une partie intégrante et définitive du Code de Travail
Pour autant, l’instauration d’un véritable cadre juridique ne met pas fin à un certain nombre de problèmes liés au fait que le salarié travaille à son domicile : décompte du temps de travail, utilisation de l’outil informatique, contrôle de la parfaite exécution du travail demandé, prise en charge des assurances…
Il est clair que cette nouvelle forme d’organisation du travail est pour l’instant aux prémices d’un long parcours, probablement parsemé de remaniements et à l’issue duquel se cache, peut être, un véritable succès…
Qu’est ce que le Télétravail ?
Selon l’article L 1222-9 du Code du Travail, le Télétravail est une forme d’organisation et de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait pu également être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière.
Il ne doit pas être confondu avec le travail à domicile qui concerne principalement les travailleurs indépendants et auto entrepreneurs, qui ont, à priori comme seul lieu de travail, leur domicile.
Ainsi, plusieurs critères doivent donc être réunis pour caractériser le Télétravail :
- Le Télétravailleur doit avoir le statut de salarié
- Il doit utiliser les TIC (les technologies de l’information et de la communication)
- Le travail s’effectue en dehors des locaux de l’entreprise alors qu’il aurait pu s’effectuer à l’intérieur
- Le Télétravail doit être exercé de façon régulière
Le caractère régulier du Télétravail n’implique pas forcément que le travail soit réalisé en totalité hors de l’entreprise, ainsi le télétravailleur se voit offrir la possibilité d’alterner le travail dans l’entreprise avec le travail hors de l’entreprise, on parle de travail sédentaire alterné.
Mais encore, il a la possibilité de travailler en télécentres, autrement dit, au sein d’un espace collectif de travail, mis en place par l’entreprise, qui permet de maintenir le télétravailleur en contact avec d’autres salariés soumis au même régime.
Cependant, toutes les fonctions ne sont pas propices au Télétravail, notamment si elles n’utilisent pas les technologies numériques. Ainsi, le Télétravail concernera principalement les emplois de cadres et d’ingénieurs, les fonctions administratives et intellectuelles…
Comment mettre en place le Télétravail ?
a) Les conditions nécessaires à la mise en place du Télétravail
Le Comité d’Entreprise (ou à défaut les délégués du personnel) est informé et consulté sur l’introduction du Télétravail et les éventuelles modifications qui lui seraient apportées.
Le CHSCT doit être également informé lorsque le Télétravail peut toucher les conditions de travail. D’ailleurs, l’employeur ne peut exiger du Comité d’Entreprise qu’il rende son avis alors que le CHSCT ne s’est encore pas prononcé (CA Paris, 14° chambre, n°08/23442).
Selon l’article L. 1222-9 du Code du Travail, le Télétravail doit être mis en place sur la base du volontariat, par une clause ou un avenant au contrat de travail.
En d’autres termes, la mise en place du Télétravail est subordonnée à l’accord écrit du salarié et l’employeur ne peut donc l’imposer même en cas de circonstances exceptionnelles.
Ainsi, le salarié peut refuser ce mode d’organisation du travail, l’employeur ne saurait le licencier sur ce motif (Cassation chambre sociale, 7 avril 2010 n°08-44.865)
Dans tous les cas, l’employeur doit fournir par écrit au télétravailleur, l’ensemble des informations relatives aux conditions d’exécution du travail (rattachement hiérarchique, modalité d’évaluation de la charge de travail, équipement, règle d’utilisation, coût assurance…).
Les télétravailleurs sont identifiés comme tels sur le registre unique du personnel.
Notons que, le passage au Télétravail n’affecte pas la qualité de salarié du télétravailleur, il modifie uniquement la manière dont le travail est effectué.
Enfin, au titre de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur doit s’assurer de la conformité des installations électriques et des lieux de travail. Il doit
fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires au Télétravail et doit s’occuper du correct aménagement de l’espace de travail.
Toutes les dépenses liées à la mise en place du Télétravail, mais encore au coût directement engendré par le Télétravail, sont prises en charge pas l’employeur.
b) Le caractère volontaire et réversible du Télétravail
Le Télétravail peut faire partie des conditions d’embauche ou être mise en place, par la suite, par un avenant au contrat de travail.
Quoi qu’il en soit, le Télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et pour l’employeur, auquel il ne peut être dérogé.
D’ailleurs, il y a modification du contrat justifiant la prise d’acte de la rupture par le salarié lorsque l’employeur impose à ce dernier de travailler à son domicile pour pallier une difficulté d’organisation interne à l’entreprise (Cassation chambre sociale, 31 janvier 2012 n°10-25.367).
Si les deux paries sont d’accord pour passer au Télétravail, une période d’adaptation doit avoir lieu.
Cette modalité est prévue par l’ANI et non le Code du Travail.
Pendant cette période, chacune des parties est libre de mettre fin unilatéralement au Télétravail moyennant un délai de prévenance prédéfini.
C’est pour cette raison que le Télétravail revêt un caractère réversible.
Le salarié retrouve alors un poste dans les locaux de l’entreprise correspondant à sa qualification. Mais les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail doivent être définies par le contrat de travail (Article L 1222-9 et L 1222-10 du Code du Travail).
3) Les problèmes juridiques soulevés par les conditions de travail des Télétravailleurs
Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise : c’est ce que l’on appelle l’égalité des traitements, c’est un principe général, largement consacré dans l’ANI de 2005.
Cependant, en raison du caractère particulier et tout récent de ce mode d’organisation, des difficultés d’adaptation apparaissent.
D’ailleurs, pour tenir compte de ces particularités, des accords spécifiques complémentaires collectifs et/ou individuels peuvent être conclus.
* Sur l’organisation du temps de travail
L’article L 1222-10 du Code du Travail prévoit qu’un entretien annuel doit porter sur les conditions d’activité du télétravailleur et la charge de travail.
Ainsi, les plages horaires pendant lesquels le salarié peut être habituellement contacté devront être fixées par le salarié et l’employeur pour respecter la vie privée de salarié.
Bien plus, l’employeur doit permettre au télétravailleur de respecter la durée maximale du travail et les temps de repos. Il doit s’assurer que des mesures sont prises pour éviter l’isolement du télétravailleur par rapport aux autres salariés, ainsi, le télétravailleur doit pouvoir rencontrer régulièrement sa hiérarchie.
Les modalités de contrôle du temps de travail doivent, elles aussi, être définies dans le contrat de travail ou si il y en a un, dans l’accord collectif applicable (Article L 1222-9 du Code du Travail).
En effet, les règles de décompte du temps de travail sont plus délicates à mettre en œuvre lorsque le salarié n’est pas dans l’entreprise. L’employeur devra trouver des modalités de contrôle adaptées telles qu’un système d’auto déclaration ou de surveillance informatisé…
Dans tous les cas, si l’employeur souhaite mettre en place un moyen de surveillance, ce dernier doit être pertinent et proportionné par rapport à l’objectif poursuivi. Le télétravailleur, ainsi que la CNIL et le Comité d’Entreprise devront en être informé.
Remarquons que, l’utilisation du forfait jour semble plus adapter à ce mode d’organisation du travail. En effet, le décompte d’heures n’est plus nécessaire et le salarié gère son temps de travail en toute autonomie.
* Sur la protection des données utilisées et traitées par le télétravailleur
Il incombe à l’employeur de prendre, dans le respect des prescriptions de la CNIL, les mesures qui s’imposent pour assurer la protection des données et traitées par le télétravailleur à des fins professionnelles.
A cette fin, l’employeur doit informer le télétravailleur des règles relatives à la protection des données et à leur confidentialité, règles qui, précisons-le, s’imposent à lui.
Il doit l’informer notamment de toute restriction à l’usage des équipements ou outils informatiques, comme par exemple, l’interdiction de diffuser des matériels illicites via Internet.
Le télétravailleur se verra sanctionner en cas de non respect de ces règles.
* Sur la santé et la sécurité du télétravailleur
L’employeur ne peut ignorer le respect de la santé et de la sécurité du télétravailleur. A cet effet, il doit informer son salarié de la politique de l’entreprise et en particulier, des règles relatives à l’utilisation des écrans de visualisation.
Le télétravailleur doit appliquer avec rigueur la politique de santé et de sécurité au travail et afin de vérifier sa bonne application l’employeur, les représentants du personnel compétents en matière d’hygiène et de sécurité ainsi que, les autorités administratives compétentes peuvent avoir accès au lieu de télétravail, suivant les modalités prévues par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur.
Bien entendu, il conviendra d’adresser une notification à l’intéressé avant toute visite et ce dernier devra donner son accord.
En matière d’accident du travail, la question de la preuve du caractère professionnel se pose.
En principe, la présomption d’accident du travail ne s’applique pas au domicile.
Mais si l’accident survient pendant les horaires de travail prévus par l’avenant et dans le local du logement destiné au télétravail, la présomption du lien professionnel devrait pouvoir jouer.
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