Pour un lumbago, l’hôpital a refusé de titulariser une aide-soignante qui, soutenue par la Halde, dénonce une discrimination dans le cadre de son travail.Elle a craqué et donné sa démission en juin, après quatre ans de bons et loyaux services au sein de l'hôpital de Loches. Pour autant, Laurence (*) n'entend pas partir comme ça. L'aide-soignante a décidé d'attaquer en justice son ancien employeur, le centre hospitalier Paul-Martinais, pour discrimination.
Elle est confortée dans son action par la Halde, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations. Surtout, elle veut parler au nom d'autres collègues qui pourraient vivre une situation similaire.
Un lumbago qui bloque un dos et une carrière
Laurence est aide-soignante depuis six ans. En 2008, elle est embauchée comme contractuelle en CDD par le centre hospitalier. Elle passe en CDI un an après. Au vu de ses fiches d'appréciation rédigées par ses supérieurs, elle est qualifiée de bonne professionnelle.
« Au bout de deux ans et demi, comme c'est l'usage, j'ai fait une demande de stagiarisation (NDLR : pour être titularisée), raconte-t-elle. Elle m'a été refusée car la direction estime que je suis fragile du dos, à cause d'un lumbago. Je suis tombé des nues.
« Je me suis en effet fait mal en soulevant un patient, entraînant trois semaines d'arrêt, déclaré en accident du travail, et un autre arrêt, reconnu accident du travail aussi, le 22 décembre 2010, où je me suis de nouveau bloqué le dos. » Ces deux arrêts représentent 47 jours de repos forcé en 2010.
En 2011, elle informe de son cas la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, la Halde. Le Défenseur des droits en Touraine juge son dossier recevable. Il y décèle bien un caractère discriminatoire selon la loi. Il engage une procédure de médiation de « Bons offices » avec la direction de l'hôpital pour que celle-ci revienne sur ses positions. La médiation se soldera par un échec (lire ci-dessous).
Pour l'aide-soignante, la direction a passé outre l'avis du médecin du travail qui la juge « apte au poste ». « Cette décision de la direction de l'hôpital n'était pas justifiée puisque le médecin du travail, seul compétent pour apprécier l'aptitude d'un agent à exercer ses fonctions, l'a déclarée apte à son emploi d'aide-soignante qu'elle exerce de surcroît en CDI.
« Ce refus de stagiairisation du centre hospitalier n'apparaît pas fondé et s'apparente à une discrimination (domaine emploi, critère de santé) et peut être contesté sur la base de la jurisprudence du Conseil d'État », lui confirme le Défenseur des droits.
" La seule raison du refus est une raison financière "
Des courriers, des courriels, Laurence en échange beaucoup avec la Halde et l'hôpital. Une lettre de février 2011 émanant de sa direction est des plus claires : « Nous pouvons […] légitimement nous interroger sur la compatibilité entre vos soucis de dos et l'exercice du métier d'aide-soignante à long terme », écrit le directeur, Christophe Verduzier. L'aide soignante est invitée à réfléchir à une « éventuelle réorientation professionnelle ».
En mars, la direction des ressources humaines s'explique par courrier : « La seule raison du refus de votre mise en stage est une raison financière. En effet, les conséquences financières pour l'établissement, en cas d'arrêt de travail, seront plus importantes si vous êtes titulaire que si vous demeurez contractuelle ».
Puis : « Nous ne faisons aucune discrimination au sein de l'établissement par rapport à l'état de santé des agents ». Et : « Si vous aviez un métier sans port de charge, nous vous aurions titularisée. »
Laurence a préparé une requête auprès du tribunal administratif d'Orléans pour demander sa stagiairisation avec effet rétroactif et dommages et intérêts. Elle a aussi déposé une plainte auprès du procureur de la République, la discrimination relevant du code pénal. Ce sera à la justice de trancher. Aujourd'hui, Laurence exerce son métier dans un grand centre hospitalier de la région, sans souci de santé.
(*) L'identité a été changée.
Source (lanouvellerepublique.fr)
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