L'obligation de sécurité de résultat de l'employeur est mise en cause dès lors qu'un de ses salariés subit sur son lieu de travail des violences physiques ou morales et ce, même s'il a pris des mesures pour faire cesser ces agissements. Illustration.
Si l'employeur ne réagit pas assez vite, une guerre larvée entre deux de ses salariés peut rapidement le mettre en cause sur le terrain de son obligation de sécurité de résultat. Surtout si, comme c'était le cas en l'espèce, l'affrontement tourne à la violence physique et morale.
Conflit interpersonnel entre deux salariés
Au sein d'une association, les relations entre le directeur et sa directrice adjointe sont très tendues. A tel point que cette dernière finit par faire part à son employeur des difficultés qu'elle rencontre dans l'exercice de ses fonctions avec son supérieur hiérarchique direct. L'employeur décide alors d'entendre les intéressés et diligente une enquête ainsi qu'un audit externe. Au final, le salarié est mis à pied à titre disciplinaire 3 jours. Cela ne suffit pas à calmer les relations entre les deux salariés. Face à la persistance des plaintes de la directrice adjointe, rejointe par d'autres salariés de l'association, l'employeur demande à l'administration l'autorisation de licencier son directeur, celui-ci étant par ailleurs délégué syndical. L'autorisation lui est refusée. Le salarié écope alors d'un avertissement. Mais les choses ne s'arrêtent pas là et finissent par s'envenimer. La directrice adjointe est vivement prise à partie par son directeur. Insultée et bousculée, elle se rend choquée à la direction générale qui établit une déclaration d'accident du travail. Au vu de ces nouveaux éléments, l'inspecteur du travail finit par autoriser le licenciement du directeur de l'association.
Mise en cause de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur
Mais la salariée ne se satisfait pas de cette issue. Elle estime que son employeur a trop laissé traîner les choses en longueur et saisit la justice afin de mettre directement en cause son obligation de sécurité de résultat et d'obtenir des dommages-intérêts. Déboutée en première instance, elle prend acte de la rupture de son contrat de travail et demande à ce qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans un premier temps, la cour d'appel rejette sa demande et requalifie sa prise d'acte en démission. Les juges estiment que "le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ne revêt pas, compte tenu de l'existence d'un affrontement entre deux salariés titulaires de postes de direction, un caractère de gravité de nature à justifier la prise d'acte". Rappelons en effet que la prise d'acte n'est légitime que si les manquements reprochés à l'employeur sont suffisamment graves.
Même si l'employeur a tenté de faire cesser ces agissements
Mais la Cour de cassation n'est pas de cet avis. Dans son attendu de principe, elle rappelle la responsabilité générale de l'employeur en matière de santé et de sécurité à l'égard des salariés. "L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements". Et ce, peu important que la prise d'acte soit intervenue 21 mois après les faits, un élément que les juges d'appel avaient retenu pour estimer que "ce grief n'était pas décisif dans l'esprit même de la salariée".
Une position de la Cour de cassation désormais bien établie
On retrouve là la logique des arrêts du 3 février 2010 qui ont considérablement renforcé l'obligation de sécurité de résultat indépendamment des mesures prises par l'employeur pour le faire cesser. Par deux arrêts, la Cour de cassation avait affirmé, s'agissant de faits de harcèlement moral, que "l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur son lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements". Cette règle de principe avait déjà été étendue à des faits de violence indépendamment de toute qualification de harcèlement dans un arrêt du 15 décembre 2010. La Cour de cassation confirme donc ici que prendre des mesures pour faire cesser de tels agissements n'est pas une cause d'exonération de la responsabilité de l'employeur.
Source (lentreprise.lexpress.fr)
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