Règlement intérieur : les principes à suivre

Posté le 2 mai 2013 | Dernière mise à jour le 1 décembre 2020

Règlement intérieur : les principes à suivre

Obligatoire pour toute entreprise à partir de 20 salariés, le règlement intérieur doit être régulièrement remis à jour et comporter les sanctions applicables aux salariés. Analyse de la jurisprudence, formalités administratives à effectuer, contenu... Toutes les règles à suivre par l'employeur pour la bonne marche de l'entreprise.

Depuis les lois Auroux(1) qui ont rendu le règlement intérieur obligatoire dans les entreprises de 20 salariés et plus, il faut bien avouer que le règlement intérieur est un « document » qui a su se faire oublier. C’est à peine si celui-ci a fait l’objet des mises à jour régulières qui doivent, ou auraient du, être faites. C’est à tort et la jurisprudence nous le rappelle régulièrement, notamment en 2012.

Le règlement intérieur doit préciser les sanctions applicables

Pour mémoire, et parce que beaucoup d’entreprises l’ignorent encore, revenons sur un principe essentiel : lorsque l’employeur doit mettre en place un règlement intérieur, il doit préciser les sanctions disciplinaires applicables. S’il prononce une sanction en l’absence de règlement intérieur, celle-ci est nulle. C’est un arrêt d’octobre 2010, qui est venu le préciser(2). L’affaire était d’ailleurs édifiante. Un salarié sanctionné par une mise à pied disciplinaire de cinq jours ouvrés demande l’annulation de cette sanction disciplinaire au motif que le règlement intérieur de l’entreprise ne prévoit que le principe de la sanction sans en fixer la durée maximale.

Non contente d’indiquer que « Une mise à pied prévue par le règlement intérieur n’est licite que si ce règlement précise sa durée maximale », la Cour de cassation affirme dans un attendu de principe (l’arrêt a d’ailleurs fait l’objet d’une publication maximale) que « Dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur ».

Aucun pouvoir disciplinaire sans règlement intérieur

C’est ce dernier point qui est le plus important car pour la première fois, à notre connaissance, la Cour de cassation subordonne le pouvoir disciplinaire de l’employeur à l’obligation préalable de fixer la nature des sanctions dans le règlement intérieur. Cela signifie-t-il qu’en l’absence de règlement intérieur, alors que celui-ci est obligatoire, ou en présence d’un règlement intérieur mais qui ne fixerait pas les différentes sanctions applicables, l’employeur perd tout pouvoir disciplinaire (et par exemple la faculté de prononcer un avertissement, une mise à pied, une rétrogradation, une mutation…) ?

La Cour d’appel de Versailles avait déjà indiqué qu’une sanction disciplinaire ne peut pas être prononcée si elle ne figure pas dans le règlement intérieur(3). La Cour de cassation enfonce le clou ainsi que la rédaction de l’attendu et du communiqué accompagnant l’arrêt le montrent : « la chambre sociale a déjà jugé qu’une sanction ne peut être prononcée contre un salarié qui si elle est prévue par ce règlement ».
Un risque majeur sur les licenciements

A première vue cette décision peut surprendre, notamment au regard du principe, ayant une valeur constitutionnelle(4), selon lequel toute convention à durée indéterminée doit pouvoir être rompue ; ce qui est donc le cas pour le contrat de travail à durée indéterminée (article L.1231-1). Malheureusement l’employeur ne peut se retrancher derrière ce principe, car par le passé la Cour de cassation a déjà admis les accords collectifs peuvent valablement limiter les possibilités de licenciement à certaines causes et conditions et qu’en ne rendant « pas impossible toute rupture de contrat de travail » il n’y a donc pas de contradiction avec ledit principe(5).

Si l’on sait que la sanction est nulle qu’en est-il du licenciement intervenu malgré tout ? La réponse est simple. A défaut de texte prescrivant la nullité, le licenciement pour motif disciplinaire notifié en l’absence de règlement intérieur ne sera pas nul mais privé de cause réelle et sérieuse. Le règlement intérieur a été rédigé et prévoit toutes les sanctions disciplinaires possibles, voilà un DRH rassuré. Pas si sûr ! Encore faut-il qu’il ait respecté les règles de mises en place du règlement intérieur.

Règlement et notes de services, même formalités

Une salariée est licenciée car son employeur lui reproche de ne pas avoir respecté les dispositions du règlement intérieur régulant la sortie de produits des locaux de l’entreprise. Arroseur arrosé : la salariée conteste la validité de son licenciement en invoquant la nullité de la note de service pour laquelle, selon la salariée, les formalités requises n’auraient pas été respectées. Rappelons que le règlement intérieur doit être au préalable soumis pour avis aux IRP (dont le CHSCT), puis adressé à l’inspecteur du travail et déposé au greffe du conseil de prud’hommes. Ces règles sont bien entendu valables pour les notes de services entrant dans le champ du règlement intérieur (art. L.1321-5).

Pour sa défense, l’employeur prétend que le non respect des formalités est sanctionné par une amende et non par une remise en cause de la légitimité du licenciement prononcé sur le fondement du règlement intérieur. Mais la cour de cassation n’est pas de cet avis et considère que « le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne pouvant produire effet que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur ne justifiait pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel et communiqué le règlement à l'inspecteur du travail, en a exactement déduit, sans dénaturation, ni inversion de la charge de la preuve, qu'il ne pouvait reprocher à sa salariée un manquement aux obligations édictées par ce règlement et par une note de service » (6).

Avec l’arrêt du 9 mai 2012 la Cour de cassation tire les conséquences du défaut d’accomplissement de ces formalités, ou de l’impossibilité de rapporter la preuve de leur accomplissement : le règlement intérieur et les notes de service ne peuvent produire effet. Dans un très ancien arrêt la Haute cour avait jugé dans le même sens concernant des modifications apportées au règlement intérieur sans consultation des IRP (7). Autre conséquence logique : un manquement à ces dispositions ne peut pas être reproché au salarié.

Alcool en entreprise : il est interdit d'interdire

En ces temps où les méfaits de l’alcool et plus généralement de toutes addictions (y compris au travail), sont dénoncés et montrés du doigt et où la prévention des risques (la prévention des risques liés aux addictions rejoint la prévention de l'ensemble des risques professionnels) dans l’entreprise semble être une priorité pour le Ministère du travail, de l’emploi, de la formation et du dialogue social, voilà un arrêt qui a de quoi surprendre(8). Voilà une entreprise qui dans son règlement intérieur indique que « La consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l'entreprise, y compris dans les cafeterias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas ». Mais elle se heurte à l’inspecteur du travail, ce dernier exigeant le retrait de cette disposition. Ce retrait est approuvé par la cour administrative d’appel de Lyon (arrêt rendu le 8 mars 2011) et par le Conseil d’État.

Le raisonnement se fait en deux temps :

  • Le principe : l’article R.4228-20 du code du travail dispose que « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail ».

Pour le dire autrement le vin, la bière, le cidre et le poiré sont autorisés par principe sur le lieu de travail. S’ils sont autorisés sur le lieu de travail c’est que leur consommation l’est aussi ! Ce qui signifie pour le Conseil d’État que l’employeur ne peut limiter la portée de cette disposition du code du travail en posant une interdiction générale et absolue de consommer de l’alcool sur le lieu de travail. Si juridiquement on peut comprendre la raisonnement, sur le plan des principes de santé et sécurité et de la prévention des risques professionnels la chose est pour le moins discutable. Attention, cela ne veut pas dire que les salariés peuvent consommer de l’alcool de façon immodérée. En effet, l’employeur peut sanctionner un salarié en état d’ébriété lorsque cet état a entraîné un comportement agressif, dangereux, ou a pour conséquence de donner une mauvaise image de l’entreprise (9).

  • L’exception : si le Conseil d’État admet que le règlement intérieur puisse déroger au principe ci-dessus dans un sens restrictif « lorsque des impératifs de sécurité le justifient, insérer dans le règlement intérieur des dispositions qui limitent la consommation de boissons alcoolisées de manière plus stricte que l'interdiction posée par l'article R.4228-20 du code du travail, », c’est à la condition que ces restrictions restent « proportionnées au but de sécurité recherché » (10).

Il faut donc que la société justifie d’une situation particulière de danger ou de risque sur le fondement de l’article L.1321-3 paragraphe 2°. A défaut ces interdictions excèdent par leur caractère général et absolu, les sujétions que l'employeur peut légalement imposer aux salariés. Sur le plan pratique, il est urgent que le ministère modifie l’article R.4228-20 du code du travail afin qu’il soit en harmonie avec les obligations de prévention qui pèsent sur l’entreprise et plus globalement avec l’obligation de sécurité de résultat que l’employeur supporte. Bref, on l’aura compris le règlement intérieur dont nous n’avons évoqué ici que certains aspects pose de réelles difficultés et comporte de réels enjeux tant juridiques que managériaux. En France tout est complexe, même de faire un règlement intérieur !

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre page dédiée au règlement intérieur CSE
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1) Et les décisions tribunaux qui se sont prononcés sur ce qui pouvait, ou pas, y figurer dans les mois qui ont suivi.

(2) Cass. soc, 26 octobre 2010, n°09-42.740, PBRI, SAS Société Jabil circuit.

(3) CA Versailles, 19 octobre 2004, n°04-347, 6ème, SA Seete c/ killiana.

(4) Le Conseil constitutionnel, dans le cadre de l'examen de la constitutionnalité de la loi relative au PACS, a affirmé que « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 justifie qu'un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement », Cons. const., décision n°99-419 du 9 novembre 1999, Recueil, p.116, Journal officiel du 16 novembre 1999.

(5) Cass. soc, 3 décembre 2002, n° 00-46055 01-40182 01-44021, MSA Loiret c/ Hurault.

(6) Cass. Soc, 9 mai 2012, n°11-13687, Magasins Galeries Lafayette.

(7) Cass soc, 4 juin 1969, n°68-40377, Sté d’exploitations spéléologiques de Padirac c/ CFTC.

(8) Conseil d’État, 12 novembre 2012, n°349365, Ministre du travail.

(9) Cass soc, 17 mai 2005, n°03-43082, Sté ED c/ Wouters ; Cass soc, 9 février 2012, n° 10-19496 : « Attendu ensuite que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, directeur d'agence, s'était trouvé régulièrement sur son lieu de travail en état d'ébriété après le déjeuner ce qui risquait de ternir durablement l'image de l'entreprise, a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, que ces agissements rendaient impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise et constituaient une faute grave ».

(10) Art. L.1321-3 2°. « Le règlement intérieur ne peut contenir : ……
2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché,…… ».